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Publié le 04 - 11 - 2025

    Au Crédit Agricole, bons résultats ne riment pas avec augmentations

    Malgré d’excellents résultats en 2025, les représentants patronaux n’accorderont qu’une augmentation de 0,5 % de la rémunération conventionnelle aux 78 000 salariés de la branche Crédit Agricole. Samuel Mathieu, président du SNECA CFE-CGC, nous en dit plus.

    « Un échec retentissant » : c’est ainsi que Samuel Mathieu, président du SNECA, principal syndicat de la branche et affilié à la CFE-CGC, qualifie les échanges de la NAO (négociation annuelle obligatoire) qui se sont déroulés le 30 octobre dernier. Des discussions expédiées en à peine trois heures par la partie patronale (FNCA) face aux syndicats représentatifs de la branche Crédit Agricole (SNECA, CFDT et SUDCAM).

    Alors que les syndicats proposaient une augmentation salariale de 1,7 % sur la rémunération conventionnelle (soit 1,5 % sur la rémunération moyenne), les représentants patronaux, eux, n’ont proposé que 0,44 %. Récit des discussions.

    Comment se sont déroulées les négociations entre les représentants syndicaux et patronaux ?

    Pas bien. En partie parce que nous partions avec un gros atout dans notre poche. En effet, quelques heures avant les discussions, les résultats de la branche Crédit Agricole avaient été diffusés et ils sont excellents, avec des résultats cumulés de 3,2 milliards d’euros sur les neuf premiers mois de l’année. Durant la dernière décennie, ils ont oscillé autour de 3,5 milliards par an. Nous sommes bien entendu très satisfaits de travailler dans des entreprises en excellente santé financière.  Mais de telles performances, à nos yeux, méritent d’être récompensées, d’où notre demande d’une augmentation de la rémunération conventionnelle à 1,7 %, soit 1,5 % de rémunération moyenne.

    Les bons résultats de l’entreprise doivent permettre de préserver le pouvoir d’achat de tous les salariés »

    Comment justifiez-vous cette demande ?

    Dans le cadre de ces discussions de branche, nous négocions sur la rémunération conventionnelle, c’est-à-dire la somme prévue par la convention collective applicable à l’entreprise. Au Crédit Agricole, elle représente 88 % de la rémunération moyenne des salariés.Notre position est très simple : les bons résultats doivent permettre de préserver le pouvoir d’achat de tous les salariés. Il faut savoir qu’en général, sur les 3,5 milliards d’euros de résultat, environ 500 millions sont redistribués aux sociétaires et 3 milliards sont stockés dans les réserves. En effet, depuis la crise de 2008, les banques doivent disposer de fonds propres suffisants, les CET1 (Common Equity Tier 1), afin de faire face à une éventuelle crise. Ils doivent représenter un ratio d’au moins 8 %. Chez nous, ils sont en moyenne de 25 % dans les caisses régionales ! Autant dire que les caisses sont « pleines » et qu’il est tout à fait possible de soutenir une augmentation de 1,5 %.

    Pour donner un ordre de grandeur, nous avons minutieusement évalué le coût que représenterait une telle augmentation pour les 78 000 salariés concernés. Celui-ci est de 62 millions d’euros, alors que nous avons des milliards d’euros en réserve ! Notre proposition de hausse de 1,5 % est notamment basée sur les annonces de la Banque de France, qui prévoit une inflation à 1,3 % l’année prochaine. Notre position est donc non seulement légitime, vu les excellents résultats, mais aussi raisonnable, compte tenu de l’inflation à venir et des larges réserves financières de l’entreprise.

    Comment les représentants patronaux justifient-ils leur proposition de 0,44 % de hausse ?

    En affirmant qu’à cette hausse générale de 0,44 %, viendraient s’ajouter les augmentations individuelles, négociées localement. C’est leur seul argument. Le problème, comme nous leur avons fait remarquer, c’est que les négociations locales qui débouchent sur une enveloppe d’augmentations individuelles ne concernent qu’au mieux 40 % des salariés (ceux qui sont soit très bien évalués ou ceux qui obtiennent une promotion).

    En clair, 60 % des salariés ne bénéficient pas d’augmentation individuelle. Avec une hausse de salaire de 0,44 %, face à une inflation de 1,3 %, ils perdront en pouvoir d’achat alors que les résultats sont excellents et que l’entreprise a largement les moyens de les récompenser comme ils le méritent ! Pour un cadre, une telle augmentation représente 22 euros bruts par mois. Pour un technicien, c’est 15 euros. C’est presque insultant.

    Des négociations biaisées par les représentants patronaux »

    Comment les discussions ont-elles débouché sur une hausse de 0,5 % ?

    C’est là le pire : la décision a été unilatérale. Après trois heures, la direction a tout simplement mis fin aux discussions et décidé de « faire un geste » en haussant sa proposition de 0,44 % à 0,5 %. Ces négociations sont biaisées car quels que soient nos arguments, les représentants patronaux sont les seuls qui décident où placer le curseur, pouvant mettre fin aux négociations à tout moment.

    Quelles actions envisagez-vous désormais ?

    Il reste deux journées de négociations, prévues le 26 novembre et le 18 décembre. Nous avons lu une déclaration intersyndicale exigeant que ces séances portent également sur les salaires. Cette déclaration sera lue dans tous les CSE et tous les conseils d’administration des caisses régionales. Dans cette lettre, nous rappelons que le Crédit Agricole a largement les moyens de couvrir les augmentations de salaires et de permettre la préservation du pouvoir d’achat de tous les salariés.

    L’objectif est que les présidents et les directeurs généraux des caisses régionales donnent un nouveau mandat à la délégation patronale pour revenir à la table des négociations avec une proposition d’augmentation générale plus décente. Nous sommes un peu dans une course à la communication car il est capital d’informer l’intégralité des salariés sur ce qui se joue. Avec leur soutien et leur mobilisation, nous aurons peut-être une chance de faire plier la délégation patronale, au moins pour la faire revenir à la table des négociations. En tout cas, nous ne lâcherons rien sur ce sujet.

    Propos recueillis par François Tassain