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Publié le 14 - 12 - 2023

    Casino : la CFE-CGC se mobilise face à un risque de casse sociale

    Alors que la justice vient de prolonger la procédure de sauvegarde accélérée du groupe de distribution (50 000 salariés en France), les inquiétudes sont grandes concernant l’emploi. Le point avec Philippe Guirao, délégué syndical CFE-CGC.   

    Quels sont vos mandats syndicaux ?

    Je travaille chez Casino depuis plus de trente ans comme chef de projets. Je suis délégué syndical et élu titulaire au comité social et économique (CSE) de DCF (Distribution Casino France) amont, l’entité qui comprend notamment le siège stéphanois historique et le siège francilien à Vitry-sur-Seine. Au niveau de la fédération CFE-CGC Agro, j’ai un mandat de délégué régional en Ile-de-France et je suis le représentant fédéral au sein de l’union départementale CFE-CGC Seine-et-Marne.

    Pouvez-vous nous présenter la CFE-CGC Casino et sa dynamique ?
     
    Le Syndicat national CFE-CGC du groupe Casino est présidé par Didier Marion. Dans l’entreprise, la CFE-CGC compte plus de 1 300 adhérents et fait partie des organisations syndicales représentatives avec une représentativité catégorielle de plus de 70 % lors des dernières élections professionnelles. Avec les difficultés actuelles et les craintes pour l’avenir de tout un chacun, les salariés nous sollicitent beaucoup, tant pour s’informer que pour adhérer.

    L’intersyndicale a demandé une prochaine audience en urgence avec le président de la République »

    Le 11 décembre, le tribunal de commerce de Paris a prolongé la période de sauvegarde accélérée du groupe Casino (50 000 salariés en France sous les enseignes Casino, Franprix, Monoprix, Spar, Naturalia…). Quelle est la situation ?

    L’intersyndicale (CFE-CGC, FO, CFDT, UNSA, CGT) était présente pour l’occasion avec des représentants de groupes dont notre président Didier Marion et Rani Benyahia, son adjoint. Cette décision du tribunal était attendue : elle proroge pour deux mois supplémentaires jusqu’au 25 février 2024 les procédures de sauvegarde accélérée ouvertes le 25 octobre dernier au bénéfice de Casino, Guichard-Perrachon et de six filiales concernées : Casino Finance, Distribution Casino France, Casino Participations France, Quatrim, Ségisor et Monoprix. Il s’agit de mettre en œuvre la restructuration de la dette du groupe (6,4 milliards d’euros), dans la continuité d'un accord avec ses créanciers et des candidats à sa reprise.

    Le 13 décembre, les représentants de l’intersyndicale ont été reçus au ministère de l’Économie par Bruno Le Maire dans le cadre du CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle). L’intersyndicale a par ailleurs renouvelé une demande d’audience en urgence avec le président de la République. C’est au plus haut niveau de l’État que le dossier social de Casino, un fleuron historique de la distribution française du haut de ses 125 ans d’existence, doit être scruté.

    Quel est désormais le calendrier ?

    Outre la restructuration de la dette, l’accord prévoit un changement d'actionnariat avec, à horizon mars-avril 2024, une prise de contrôle par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, le Français Marc Ladreit de Lacharrière, tous deux déjà actionnaires au sein du groupe, avec la participation du fonds d'investissement britannique Attestor.

    Permettre aux salariés de valoriser leur ancienneté et leur investissement professionnel »

    Quelles sont les craintes en termes d’emplois ?

    Il y a clairement un risque important de casse sociale et de vente à la découpe du groupe. Le parc de magasins (environ 50 hypermarchés et 350 supermarchés Casino à date) est à vendre et on ne pourra pas conserver tout le personnel des sièges et de la logistique. Le pire scénario serait celui de la faillite et d’un redressement judiciaire. Le moins mauvais serait un plan de départs volontaires : les organisations syndicales dont la CFE-CGC poussent fort en ce sens pour permettre aux salariés de valoriser leur ancienneté et leur investissement professionnel.

    Le plan actuel n’est plus en adéquation avec le plan de reprise proposé par Daniel Kretinsky à l’été 2023, qui prévoyait une relance commerciale des magasins, des investissements et des embauches. Face aux enjeux, l’intersyndicale a organisé, le 5 décembre, une mobilisation sur les sièges de Saint-Étienne et Vitry-sur-Seine. Un nouveau rassemblement est prévu dimanche 17 décembre. La population stéphanoise et de la région est invitée à se joindre aux salariés à 10h devant le siège. Un cortège partira à 10h45 pour rejoindre la mairie et la préfecture.

    Comment Casino a-t-il pu se retrouver dans une telle difficulté ?

    Le groupe paye une succession de mauvais choix stratégiques et une mauvaise gestion avec un président (ndlr : Jean-Charles Naouri, en poste depuis 2005) qui a eu tendance à agir seul et à n’écouter que lui. Dans les instances de dialogue social, les organisations syndicales n’ont eu cesse, depuis des années et ces derniers mois, de tirer la sonnette d’alarme pour éviter d’aller dans le mur mais il y avait comme une forme de déni.

    Quel est le climat social dans l’entreprise ?

    Les risques psychosociaux (RPS) sont au plus haut. Les salariés sont très inquiets et personne ne sait de quoi demain sera fait. Il est donc très difficile de travailler sur le moindre projet. La direction a mis en place deux cellules pour écouter les collaborateurs. En tant qu’élus du personnel, nous recevons bon nombre de salariés dont certains ont les larmes aux yeux. Au niveau du dialogue social, les CSE du groupe ne parlent plus que de cela, même si nous avons très peu d’informations de la part de la direction.

    Propos recueillis par Mathieu Bahuet