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Publié le 04 - 02 - 2021

    Chez ADP, la CFE-CGC dénonce un dialogue social déloyal

    Alors qu’un accord de RCC signé fin 2020 par les syndicats prévoit déjà le départ de 1 150 des 6 400 salariés, la direction veut imposer des baisses de rémunération et menace de licencier. Inacceptable pour Véronique Pigueron, présidente de la CFE-CGC ADP.

    Comme la plupart des avions ces derniers mois, le dialogue social semble cloué au sol en ce début d’année au sein d'Aéroports de Paris. Le 21 janvier dernier, la direction a inscrit à l’ordre du jour du comité social et économique (CSE) l’ouverture prochaine d’une négociation relative à un plan social, déclenchant la stupeur des organisations syndicales. Ce PSE prévoit, via un « plan d’adaptation des contrats de travail », des baisses conséquentes et définitives de rémunération pour les salariés d'ADP, confronté à une importante chute d'activité en raison de la pandémie de Covid-19.

    PRÉCARISATION DES RÉMUNÉRATIONS ET DU CONTRAT DE TRAVAIL

    « Ce plan conduirait à des baisses de rémunération de plus de 15 %, hors intéressement et participation, estime Véronique Pigueron, présidente de la CFE-CGC d’ADP, première organisation syndicale de l’entreprise. Ce qui ne bouge pas, c'est le traitement de base, la prime d'ancienneté et le supplément familial. En revanche, toutes les primes annexes, qui faisaient l’attractivité d’ADP, sont revues à la baisse. » Dans le détail, le projet de modification unilatérale du contrat de travail comporte ainsi quinze mesures de réduction salariale, en particulier une baisse importante des indemnités kilométriques. Autre coup de massue : le plan prévoit l’intégration, dès le 1er septembre 2021, d’une clause de mobilité géographique pour tous les salariés. Concrètement, un salarié travaillant à Orly (Val-de-Marne) pourrait donc se voir affecter à Roissy (Val d’Oise) avec une indemnité kilométrique passant de 315 à 23 euros bruts mensuels.

    Ces annonces ont déclenché la colère des organisations syndicales car elles interviennent quelques semaines après la signature unanime, le 9 décembre 2020, par les syndicats représentatifs dont la CFE-CGC, d’un accord de rupture conventionnelle collective (RCC) prévoyant le départ, sur la base du volontariat, de 1 150 salariés dont 700 qui ne seront pas remplacés. Pour la direction, ces départs devraient permettre de générer 30 puis 60 millions d’euros d’économies ces prochaines années avec, en toile de fond, la prochaine privatisation d’ADP, une entreprise avec le statut d’établissement public de l'État depuis 1945 et qui compte aujourd’hui 6 448 salariés (moyenne d’âge : 49 ans).

    Contre toute logique, les réductions de l’emploi et de la rémunération restent la seule voie privilégiée par la direction »

    « Comment l’État, actionnaire majoritaire d’ADP, peut-il accepter le risque de départs massifs supplémentaires de salariés, sachant que ceux-ci disposent de compétences qui nécessitent des mois voire des années de formation et d’expérience, et que ces certains métiers sont réglementaires, s’interroge Véronique Pigueron. La réalité des économies liées à des licenciements est par ailleurs très douteuse car ADP a une convention avec l’Unedic qui lui permet de ne pas cotiser pour le chômage. »

    Alors qu’un accord de RCC a déjà été signé, le projet de PSE ne passe donc pas du tout et témoigne d’un dialogue social déloyal de la part de la direction d’ADP. « Contre toute logique, les réductions de l’emploi et de la rémunération restent donc la seule voie privilégiée par la direction, plutôt que d’envisager, comme le propose la CFE-CGC, de négocier loyalement des mesures d’économie justement réparties, strictement limitées aux besoins créés par la crise sanitaire et réversibles car soumises à une clause de retour à meilleure fortune. »

    Autre proposition formulée par la CFE-CGC : renégocier un accord d’activité partielle de longue durée (APLD), un dispositif efficace, préconisé par les pouvoirs publics et les syndicats, qui permettrait le maintien des compétences dans l’entreprise. « La direction, arc-boutée sur ses positions et vantant les mérites de son projet de plan d’adaptation des contrats de travail, présenté comme innovant, nous rétorque que négocier un APLD n’est pas à l’ordre du jour », regrette Véronique Pigueron.

    Dans un climat social tendu, les organisations syndicales d’ADP ont voté, en CSE, l’accompagnement par un expert pour l'analyse de ce projet. À noter : dans l’accord de RCC signé fin 2020, ADP s'était engagé à ne pas procéder à des licenciements pour motif économique se traduisant par des départs avant le 1er janvier 2022.

    DES SALARIÉS ÉPROUVÉS ET INQUIETS

    Forcément, en pareille situation, l’inquiétude grandit chez les salariés. Les risques psychosociaux sont au plus haut. « La CFE-CGC déplore la pression morale subie par les salariés d’ADP déjà éprouvés par de nombreux mois d’activité partielle, par le risque pandémique et par le départ prochain de 1 150 collègues qui va accroître la charge de travail des salariés restant en poste. Les craintes sont légitimes : les salariés sont désormais victimes d’un chantage pour les contraindre à accepter des baisses de rémunérations définitives et conséquentes pour ne pas prendre la porte. C’est le coup de grâce, on nous met la tête sous l’eau. »

    Au-delà du cas d’ADP, Véronique Pigueron pointe les dangers de la démarche entreprise unilatéralement par la direction de l’entreprise : « Qui pourra désormais s’engager, par exemple dans un crédit immobilier, en sachant que du jour au lendemain, son employeur peut baisser sa rémunération et le conduire à une situation de surendettement ? C’est là un vrai problème de société qui doit interpeler nos responsables politiques. »

    Mathieu Bahuet