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Publié le 16 - 07 - 2025

    Comment négocier la semaine sur 4 jours en entreprise ?

    Parce qu’elle touche à de nombreuses facettes du contrat de travail, les équipes syndicales amenées à négocier l’expérimentation ou la mise en place du dispositif en entreprise doivent être bien préparées. Modus operandi et conseils pratiques.

    EN QUOI EST-CE UNE NÉGOCIATION STRUCTURANTE ?
    La réduction du nombre de jours de travail modifie fortement l’équilibre de tout ce qui a été mis en place dans une entreprise au fil des différents accords avec une nouvelle répartition des horaires de travail. Cette réorganisation peut modifier le fonctionnement de l'entreprise et les conditions de travail des salariés. Il est donc nécessaire de prévoir une étape de préparation et d'expérimentation afin de s'assurer de la compatibilité de cette organisation avec les besoins et les contraintes de l'entreprise, mais aussi pour les salariés susceptibles d'y participer. Au terme de cette expérimentation, un bilan devra être réalisé avant d'envisager une pérennisation du dispositif.

    QUEL DISTINGUO ENTRE LA SEMAINE « EN » 4 JOURS ET « DE » 4 JOURS ?
    La différence fondamentale est la durée du travail sur une journée et, potentiellement, la rémunération. Dans le cas de la semaine en 4 jours, la journée de travail est plus longue. Pour 35h par semaine soit 7h par jour sur 5 jours, on passe à 8h45 par jour sur 4 jours, soit une augmentation de 25 %. L’augmentation de la charge de travail des salariés sur leurs 4 jours de travail peut générer des effets néfastes sur la santé. La rémunération est maintenue car le volume contractuel d’heures ne baisse pas.

    Dans le cas de la semaine de 4 jours, les personnes restent soit à 7h/jour (28h/semaine), soit passent à 32h/semaine (8h/jour). Le volume contractuel d’heures baisse et la rémunération peut donc diminuer à due proportion. Seule la négociation peut éviter cela. D’où sans doute la tentation de faire un compromis à 32h/semaine afin d’avoir la capacité de ne pas baisser les salaires et de faire une modulation salariale sur les 2 ou 3 ans qui suivent le changement.

    QUE FAUT-IL PRÉVOIR POUR L’ÉTAPE DE PRÉPARATION ET D'EXPÉRIMENTATION ?

    Pour les militants syndicaux et les élus du personnels amenés à travailler sur les conditions de mise en place de la semaine sur 4 jours, il s’agit en premier lieu de faire un état des lieux des règles et pratiques applicables dans l'entreprise : accords collectifs ayant mis en place (ou non) un dispositif de télétravail, d'astreintes, d'autorisations spéciales d'absence ou encore d'octroi de jours de réduction du temps de travail (JRTT). Ces éléments de contexte sont propres à chaque entreprise et influent nécessairement au moment d'envisager un mode alternatif d'organisation du temps de travail.

    Il convient par ailleurs de prendre en compte :

    • Le périmètre d'expérimentation de la semaine sur 4 jours : activités concernées et prise en compte des contraintes, salariés entrant dans le champ d'expérimentation et définition de critères objectifs d'éligibilité.
       
    • Les modalités pratiques de mise en œuvre : participation volontaire ou imposée, jour off hebdomadaire fixe ou flottant, articulation de la semaine sur 4 jours avec le télétravail (régulier, occasionnel ou exceptionnel), etc.
       
    • Les impacts de la semaine sur 4 jours en matière de durée hebdomadaire de travail, de durée maximale quotidienne de travail, de temps minimal de repos quotidien, d’amplitude journalière de travail, de temps de pauses obligatoires.
       
    • Les impacts sur la rémunération (négociation du maintien du niveau de rémunération et rédaction d’une clause, possibilité d'un retour à temps plein des salariés à temps partiel), sur la santé des salariés (dont les risques spécifiques au personnel d'encadrement) et sur l'organisation du travail et la productivité (jour fixe et commun pour fermer l'entreprise, mise en place de binômes…).

    LA SEMAINE SUR 4 JOURS PEUT-ELLE S’APPLIQUER AUX CADRES EN FORFAIT-JOURS ?
    Oui. Mais cela nécessite de revoir la charge de travail de façon conséquente et d’introduire de vrais mécanismes de déconnexion.Dans le cas de la semaine en 4 jours, c’est-à-dire avec le maintien du volume d’heures de travail en vigueur, les cadres qui sont en moyenne à 45h/semaine soit 9h par jour passeraient à plus de 11h par jour. Ce n’est pas tenable.Pour que cela le soit, il faudrait rester à 9h/jour donc 36h par semaine, et donc passer à la semaine de 4 jours avec une réduction du temps de travail (36h étant un maximum). Cependant, avec cette réduction de 20 % du temps, il n’est pas certain que l’entreprise veuille maintenir le salaire.

    QUELS SONT LES MODES POUR METTRE EN PLACE LA SEMAINE SUR 4 JOURS ?
    La mise en place du dispositif se fait soit par décision unilatérale de l'employeur ou par négociation d'un accord collectif. Dans le premier cas, il incombe à l'employeur de vérifier si sa branche ou sa profession est couverte ou non par un décret d'application de la durée du travail, de vérifier les dispositions en matière de répartition des journées de travail sur la semaine, et d’ouvrir une information-consultation auprès des représentants du personnel qui peuvent rendre un avis non contraignant. 

    Dans le cadre d’un accord collectif (avec la possibilité de passer par la négociation d'un accord de méthode), il est recommandé aux négociateurs syndicaux d'examiner l'environnement normatif dans lequel la négociation de cet accord aura vocation à s'inscrire, et notamment d'identifier s'il existe des dispositions conventionnelles au niveau des branches professionnelles. À noter : les partenaires sociaux peuvent prévoir que l'accord collectif ne s'appliquera qu'à une partie seulement des salariés. Cet accord peut en effet s'appliquer soit aux seuls volontaires, soit aux salariés d'un secteur bien délimité de l'entreprise.

    QUELLES SONT LES ALTERNATIVES À LA SEMAINE SUR 4 JOURS ?
    En tant que modalité alternative d'organisation du temps de travail, la semaine sur 4 jours n'est pas nécessairement adaptée à toutes les entreprises ni même à tous les salariés. Le Code du travail prévoit plusieurs dispositifs pour donner de la souplesse au salarié dans la gestion de son temps de travail. On peut notamment citer les horaires individualisés, permettant au salarié de choisir ses horaires de travail. Ce dispositif est soumis à l'avis du CSE ou, à défaut, à l'autorisation de l'inspection du travail. Autres dispositifs mobilisables : l'annualisation du temps de travail et le compte épargne-temps (CET) permettant au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération (immédiate ou différée), en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises, ou des sommes qu'il y a affectées.

    QUELLE APPROCHE POUR LES MILITANTS SYNDICAUX ET LES NÉGOCIATEURS ?
    Secrétaire national CFE-CGC en charge du secteur parcours professionnels, Jean-François Foucard conseille aux militants syndicaux de « prendre le temps d’analyser les contraintes, les opportunités, les spécificités des métiers et des activités ». Cela passe par solliciter les salariés sur ce qu’ils sont prêts ou non à accepter : durée de la journée de travail, baisse de la rémunération, maintien du télétravail et des RTT, gestion en organisation tournante, mesures spécifiques, etc.

    « Cette négociation touche à toutes les dimensions de l’entreprise, du contenu du travail, de sa reconnaissance et de la vie des salariés : plus les solutions seront pertinentes pour les deux parties prenantes, plus les équipes syndicales pourront convaincre les directions de tenter l’expérimentation de la semaine sur 4 jours », conclut-il.

    Mathieu Bahuet

    UN GUIDE CFE-CGC DÉDIÉ
    Pour ses structures, la CFE-CGC met à disposition un guide d’aide à la négociation de la semaine sur 4 jours dans les entreprises. Comment définit-on la semaine de 4 jours ? Quels en sont les avantages et les inconvénients pour le salarié et l’entreprise ? Quelles sont les étapes de préparation et d’expérimentation ? Comment en évaluer les impacts ? Quelles sont les alternatives ? La publication aborde l’ensemble des problématiques pour aider les négociateurs.