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Publié le 14 - 10 - 2025

    Écarts de salaire : quel impact sur la performance des organisations ?

    L’étude IRES/CFE-CGC « Dispersion salariales et performances des organisations » sera présentée à l’occasion d’un colloque le 21 octobre. Éclairages avec Nicolas Blanc, secrétaire national CFE-CGC à la transition économique.

    La CFE-CGC organise le 21 octobre un colloque dédié à la présentation de l’étude IRES (Institut de recherches économiques et sociales) intitulée « Dispersion salariales et performances des organisations ». Quelle en est la genèse ? 

    Ces deux dernières décennies, l’intérêt pour les conséquences de la dispersion des salaires a été renforcé par le constat – partagé par de nombreux observateurs – d’un accroissement des inégalités de salaire dans les entreprises des pays développés. L’attention portée aux inégalités salariales s’inscrit dans un contexte marqué par de vifs débats sur les niveaux appropriés de dispersion des salaires et par les scandales récents sur l’octroi de primes et de bonus exceptionnels à certains PDG. Le débat public a atteint son apogée avec la crise financière en 2007 avec des niveaux de bonus record dans le secteur financier alors que, dans le monde entier, des réductions de salaire et des niveaux de chômage élevés avaient plongé des millions de personnes dans la pauvreté.

    Pour les uns, une plus grande dispersion des salaires est indispensable pour maintenir un certain niveau d’effort et contribuer à une plus grande productivité des organisations. Pour d’autres, la forte dispersion des salaires peut créer un sentiment d’injustice qui va nuire à la coopération entre salariés et saper la motivation des individus dans les organisations. L’étude IRES/CFE-CGC pilotée par Patrice Laroche se propose de trancher le débat académique où s'opposent ces deux thèses contradictoires. Elle identifie les facteurs de ces écarts de salaire qui déterminent si les disparités sont un levier de performance ou une source de dysfonctionnement. Il est important d’organiser un tel colloque afin de présenter ces travaux à nos militants en présence de notre président confédéral François Hommeril.

    Quels sont les enjeux de dialogue social en lien avec l’accroissement des inégalités de salaire dans les entreprises et à leurs conséquences sur les individus au travail ?

    L’étude IRES/CFE-CGC indique que les disparités salariales peuvent être un levier de performance si et seulement si elles sont perçues comme justes et équitables. Le sentiment d'injustice (iniquité) est le principal moteur des comportements contre-productifs. Les organisations doivent de fait naviguer avec prudence entre transparence, équité et incitation. La justification claire des politiques de rémunération et la limitation des écarts excessifs, notamment en plafonnant les rémunérations, sont recommandées pour maintenir la productivité et l'équité perçue.

    Le rôle du dialogue social est bien identifié pour veiller à ce que les processus de décision salariale soient transparents et équitables. Comme le met en relief l’étude, les syndicats permettent une plus grande participation des salariés dans les discussions sur les salaires, ce qui peut renforcer la perception de justice et réduire les ressentiments liés aux disparités salariales. Les syndicats peuvent par ailleurs négocier des opportunités de formation et de développement professionnel, ce qui peut aider les salariés à améliorer leurs compétences et à progresser dans leur carrière, atténuant les effets négatifs des disparités salariales. Enfin, l’étude souligne combien la présence syndicale en entreprise peut fournir aux salariés un sentiment de sécurité et de soutien, même en présence de disparités salariales. Je cite l’étude car nous sommes complètement en phase avec ces positions.

    La CFE-CGC milite pour refonder l’économie autour d’un meilleur partage de la valeur ajoutée »

    « Depuis des années, le rapport de force asymétrique rogne graduellement la part destinée à rétribuer les salariés en échange de leur investissement », notamment les populations de l’encadrement « qui subissent davantage cette moindre revalorisation salariale », écrivait la CFE-CGC dans son document de synthèse « Restaurer la confiance » (2022). Quelles revendications porte aujourd’hui la CFE-CGC en la matière ?

    Face à ce rapport de force asymétrique qui pénalise la rétribution des salariés, surtout les populations de l’encadrement (techniciens, agents de maitrise, cadres) qui ont perdu 4 points de pouvoir d’achat entre 2010 et 2022, la CFE-CGC milite pour refonder l’économie autour d’un meilleur partage de la valeur ajoutée. Nous portons quatre grandes revendications. Premièrement, instaurer une obligation d’objectivation de la répartition de la valeur avant les négociations. La CFE-CGC propose ainsi la création et la publication d'un index du partage de la valeur (sur le modèle de l’index de l’égalité professionnelle) qui permettrait de rendre publics les dividendes, les salaires et les investissements. Deuxièmement, mettre en place un pacte de progression pour contrer le resserrement de la hiérarchie des salaires. La CFE-CGC milite pour la création d'un salaire minimum de base de référence « cadre » qui serait supérieur d’au moins 20 % au salaire médian des professions intermédiaires.

    Troisième proposition : transformer, en entreprise, l’obligation de moyens des négociations annuelles obligatoires (NAO) en une obligation de résultats garantissant, tous les trois ans en cas d'échec des négociations, une augmentation minimale générale des salaires liée à l'inflation. Enfin, il s’agit de rénover la gouvernance pour réorienter les bénéfices vers l’investissement et la rémunération du travail. En ce sens, la CFE-CGC milite pour l’élargissement de la représentation des salariés au conseil d'administration (avec un siège réservé aux cadres) et pour que la part variable de la rémunération des dirigeants soit corrélée à des critères de performance sociale et environnementale.  

    Nous continuerons à porter ces propositions et cette étude renforce nos convictions ! Venez nombreuses et nombreux le 21 octobre pour en parler lors de ce colloque dans notre belle Maison CFE-CGC rénovée.

    Propos recueillis par Mathieu Bahuet