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François Hommeril à l’U2P pour parler partage de la valeur
À l’occasion des Rencontres de l’U2P, François Hommeril, président de la CFE-CGC, était invité afin de partager ses réflexions sur les moyens à disposition pour améliorer le pouvoir d’achat des actifs français.
Un demi-siècle après sa création, l’Union des entreprises de proximité (U2P) *, une des trois organisations patronales représentatives, a invité le 25 septembre le président de la CFE-CGC François Hommeril pour participer à sa table ronde « Refonder la société française sur le travail », menée par Isabelle Moreau, journaliste-animatrice de l’événement. Jean-Christophe Repon et Dominique Anract, tous deux vice-présidents de l’U2P, Gabriel Attal, secrétaire général du parti Renaissance, et Antoine Foucher, président de Quintet et auteur de « Sortir du travail qui ne paie pas », complétaient le panel des intervenants.
Le travail, désormais moins rentable que la rente et la location
Objectif des échanges, dresser un état des lieux de la situation économique des actifs français et mettre en avant plusieurs pistes et propositions pour améliorer leur quotidien sans pour autant déséquilibrer la balance, alors que le pays se trouve dans un climat d’« attentisme » : « Nous traversons une période d’incertitude profonde causée par l’incertitude politique, qui est l’ennemie de la croissance, de l’investissement et de l’emploi », juge Michel Picon, Président de l'U2P. « Seules 12 % des entreprises de proximité ont fait des embauches entre janvier et juin 2025, contre 18 % l’année dernière à la même période », rappelle-t-il.
Des chiffres préoccupants
D’autres chiffres n’ont pas manqué de faire réagir les participants. Ainsi, la progression du pouvoir d’achat annuelle est passée de 2 % en moyenne à 0,8 % et l’héritage représente 60 % du patrimoine des Français, contre 35 % en 1979. Enfin, sujet âprement discuté, le niveau de vie des retraités, aujourd’hui supérieur à celui des actifs, en particulier grâce à un très fort taux de propriétaire de leur logement.
Pour François Hommeril, ces chiffres sont le signe d’un échec dans le partage de la valeur entre entreprises et salariés, alors que les bénéfices des actionnaires explosent. « Comment faire pour attirer les gens vers le travail ? On parle beaucoup du salaire, et la capacité des entreprises à payer leurs employés correctement. Mais la question du partage de la valeur est aussi centrale que celles du salaire et du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, la valeur est captée par des grandes entreprises alors que les petites sont écrasées ! », rappelle-t-il, alors que Michel Picon précise que les TPE représentent 80 % des entreprises, 20 % des salariés et la moitié des créations d’emploi du pays. « Cette situation est la conséquence directe d’un rapport de force économique brutal à l’intérieur des entreprises, facilité par les décideurs politiques depuis plus de 30 ans ».
Une situation aussi entretenue par la confusion des propositions patronales : « Aujourd’hui, le patronat est un ensemble qui regroupe les requins et les sardines, qui ne négocient pas assez entre eux ce partage de la valeur », constate François Hommeril.
Soutenir les jeunes
Le président de la CFE-CGC a aussi balayé d’un revers de la main les accusations - non proférées lors de la table ronde, mais communes - sur les jeunes et leur perte de la « valeur travail ». « Quand j’observe le niveau de nos jeunes, je vois des trentenaires cultivés, formés et qui ne demandent qu’à travailler. Le problème c’est que dans le contexte actuel, on ne leur propose pas de quoi s’engager réellement pour développer leur carrière professionnelle. Dans les petites entreprises, il y a un véritable problème d’accès à l’ensemble du marché du travail, et lorsqu’ils travaillent dans les grandes entreprises, il est compliqué d’identifier la meilleure voie pour eux. Cette génération ne doit pas être sacrifiée ! », revendique-t-il.
Les dépenses de santé : un souci d’efficacité, pas de montant
Un autre point important : les dépenses de santé jugées comme trop élevées en France, et souvent vues comme un levier d’économies, notamment par Gabriel Attal. L’éphémère ancien Premier ministre a évoqué la nécessité de « faire des économies sur notre modèle social » et affirmé qu'il était possible de les faire « sans que ça affecte les gens ». Une position qui a immédiatement fait réagir François Hommeril : « L’objectif est-il d’avoir un budget de santé d’un pays en voie de développement ? Le problème n’est pas le montant des dépenses, mais leur efficacité », avant de mettre en garde contre la « chasse à la dépense », rappelant qu’il avait pris position pour supprimer les Agences Régionales de Santé (ARS).
« Ces dernières n’existent que pour mettre sous contrainte les dépenses de santé, ce qui fait qu’aujourd’hui, avec cet objectif de réduire les coûts, on a plus de personnes qui travaillent à la réduction des coûts que de personnes qui travaillent à soigner les gens ! Les ARS sont dirigées par des gens qui pensent que parce qu’un chasse-neige est utilisé 6 mois par an, il faut en supprimer la moitié ! », insiste le président confédéral, qui rappelle être également en faveur de la suppression de la cotisation patronale pour la CSG.
Donner envie aux Français de travailler
Au milieu des débats, une convergence d’opinion s’est créée sur un point : la nécessité de donner envie aux Français de travailler, en rendant l’activité professionnelle plus rentable que l’héritage ou la rente. Si augmenter les taxes sur les droits de succession a par exemple été évoqué, les autres intervenants se sont accordés sur la nécessité de soutenir les actifs.
Selon Michel Picon : « Nous ne sommes pas une filiale du MEDEF ! Même si nous partageons quelques valeurs communes, nous ne servirons pas de chair à canon pour les intérêts des autres. »
D’après Jean-Christophe Repon : « Aujourd’hui, travailler ne rapporte plus autant qu’avant. Il faut que le travail paye plus et que les jeunes puissent voir qu’il y a une voie pour eux. Il faut trouver des solutions pour améliorer l’activité : si nous donnons plus de pouvoir d’achat aux salariés, cela se répercutera pour tout le monde ! »
Enfin, Dominique Anract rappelle que « c’est le manque à gagner qui fait que les jeunes veulent de moins en moins travailler dans certains métiers. Ils ont besoin de gagner leur vie dignement, non seulement pour subvenir aux besoins du quotidien, mais aussi pour s’installer. Il faut des propositions en ce sens ! »
Enfin, François Hommeril rappelle : « J’ai vu la société Pechiney (aujourd’hui Rio Tinto Alcan) sombrer car les dirigeants ne pensaient qu’à réduire les coûts pour augmenter les bénéfices de leurs actionnaires au lieu de faire de la stratégie. Diminuer les dépenses c’est bien, mais le faire en respectant le métier c’est mieux ! »
*L’U2P est constituée de la CAPEB (artisanat du bâtiment), la CGAD (alimentation en détails et hôtellerie-restauration), la CNAMS (artisanat de la fabrication et des services), l’UNAPL (professions libérales) et la CNATP (artisanat des travaux publics et du paysage).
François Tassain