Deux semaines après celle du 18 septembre, plusieurs centaines de milliers de personnes ont de nouveau défilé partout en France jeudi 2 octobre. Les participants et leurs revendications restent inchangés : L’intersyndicale (CFE-CGC, CFDT, CGT, FO, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU) continue de dénoncer l'immobilisme de Sébastien Lecornu. Lors de la rencontre du 25 septembre avec les syndicats, le Premier ministre n'avait présenté « ni rupture avec les mesures annoncées en juillet, ni engagement sur ce que pourraient être des mesures de justice sociale et fiscale ».
Les organisations syndicales réclament notamment l'abandon du projet de budget dans son ensemble, une véritable justice fiscale, un meilleur encadrement des aides aux entreprises, l'abrogation du recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, ainsi que des investissements massifs dans la réindustrialisation et les services publics. En première ligne, François Hommeril (à droite sur la photo), président de la CFE-CGC, a une nouvelle fois répondu aux questions de la presse.
Sur la méthode de Sébastien Lecornu
« Je suis toujours incrédule devant son attitude, qui ne correspond pas du tout à nos demandes. Il nous répond sans rien répondre, et nous explique qu’il pourrait reprendre quelques dispositions de la lettre de synthèse des travaux du conclave retraite… mais ce courrier d’équilibre doit être pris dans sa totalité, on ne picore pas dedans ! Prendre la mesure qui lui plaît bien et balancer la Prime Macron pour nous dire "regardez comme je suis gentil", ça ne prend pas. On nous prend pour des lapins de 6 semaines »
« Il nous appelle à négocier avec les syndicats patronaux dans un nouvel agenda autonome sur des sujets comme la Sécu et de réindustrialisation, c'est à lui, responsable du gouvernement, de répondre à ces questions-là »
« Lecornu disait être en rupture avec le macronisme, tout en nous disant qu’il n’a pas les moyens de s'engager et qu’il dépend des arbitrages de Bercy. Mais quel est ce pays où le Premier ministre attend qu’un haut fonctionnaire du bureau 2742-12 de Bercy lui dise quoi faire ? Il avait rendez-vous avec l’histoire, mais il risque de devenir la dernière étoile filante du crépuscule du macronisme, et l’homme de la rupture avec le dialogue social. »
Sur la mobilisation
« Nous sommes arrivés au bout d'une séquence. Il ne faut pas non plus épuiser les gens. On voit bien que la mobilisation n'a pas le niveau d'il y a deux semaines, et c’est normal ! Les Français sont fatigués et voient que l’Etat est sans contact avec la réalité des choses et de ce qu'ils vivent au quotidien. De notre côté, nous avons fait preuve de maturité et d’écoute en faisant passer un message clair et unifié. Maintenant, laissons la séquence parlementaire commencer ».
SUR LE PARTAGE DE LA VALEUR
« Le scandale français est que les grandes fortunes "planquent" leur argent dans le rachat d'actions qui n'est pas taxé suffisamment. Mettre à contribution dans le partage des efforts ceux qui n'en font pas assez et ont la possibilité de le faire, ça me paraît une évidence.
« L'économie marche le cul par-dessus tête. On accumule des dividendes et du capital inutilisé qui ne se réinvestit pas. Mais la nature même du capital, c'est de se réinvestir, pas d'accroître sans limite des fortunes qui deviennent improductives, quand elles ne sont pas dissimulées dans des paradis fiscaux. »
« Je représente les membres de l'encadrement, une population qui n'a cessé de s'appauvrir ces 30 dernières années. C’est sur eux que repose la solidarité des différents régimes. Qui parmi eux peut être aujourd'hui pour ce système économique qui appauvrit les Français et enrichit au-delà de toute limite une extrême minorité de personnes ? »
Sur la désindustrialisation
« Il y a 80 plans sociaux à l'œuvre en ce moment, dans la métallurgie, la chimie, le bois-papier, la plasturgie. Partout, la financiarisation amène à la fermeture d’activités rentables et qui exercent un leadership technologique important afin de maximiser la marge. Voilà un point sur lequel on attend une vision et une doctrine sincères, claires et efficaces de la part du gouvernement. En outre, cette désindustrialisation est directement proportionnelle aux investissements dans la recherche. Ça fait 10 ans que je m'époumone à dire que 2,2% du PIB dans la recherche publique est très insuffisant, surtout comparé à l’Allemagne ou la Corée du Sud, et on me dit que j’ai raison, mais au final rien ne change. Les moyens d'agir sont au niveau du gouvernement ! Envoyer les syndicats là-dessus, c'est se ficher de nous. Ce n’est pas à nous de négocier là-dessus, et négocier avec qui ? Avec des fonds de pension ? »
Sur la dette
« De notre côté, il faut élever le niveau du débat. Nous devons continuer à développer des arguments, faire des propositions, objectiver les données, démonter les fake news. Aujourd'hui les commentateurs politiques tordent la réalité, notamment sur la dette. J’ai 64 ans, le discours anxiogène de la France en faillite, je le connais depuis que j’ai 12 ans. La dette n’est pas forcément négative, si elle est bien utilisée pour être transformée en actifs. Le problème, c’est qu’on s'endette pour enrichir quelques entreprises qui profitent du système, tout en faisant culpabiliser les Français pour qu’ils acceptent de s’appauvrir. C’est intolérable ! »
Sur la défiscalisation des heures supplémentaires
« C’est une catastrophe absolue. Un principe économique de base, c'est que les heures supplémentaires doivent coûter plus cher à l'employeur, sinon on inverse le système. Je rappelle que ce sont des heures prises sur le temps libre et à ce titre, cette mesure va appauvrir les ressources des systèmes sociaux, car cette défiscalisation des heures supplémentaires n'est pas compensée par l'État. Donc il y aura encore plus de déficit et de réduction des dépenses ».