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Publié le 17 - 02 - 2023

    Jurisprudence AT-MP : un revirement en faveur des victimes

    La Cour de cassation a rendu en janvier 2023 deux arrêts très attendus par les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.

    Pour bien comprendre la portée de ces décisions de la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, il faut revenir au préalable sur le fonctionnement du système de réparation des séquelles des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP). Il est en effet prévu qu’une rente (ou un capital, selon la gravité des séquelles), soit versée à la victime.

    Jusqu’à présent, cette rente permettait de réparer, de manière forfaitaire, la perte de gain professionnel, l’incidence professionnelle de l’incapacité, mais également le déficit fonctionnel permanent de la victime, c’est-à-dire les souffrances éprouvées par la victime dans le déroulement de sa vie quotidienne à compter du moment où ses séquelles n’évoluaient plus (« post-consolidation »).

    En cas de faute inexcusable de l’employeur, c’est-à-dire lorsqu’il a été reconnu que ce dernier avait ou aurait dû avoir conscience du danger occasionnant l’accident ou la maladie, cette rente est majorée. Par ailleurs, la victime peut également demander devant les juges la réparation de certains préjudices, notamment celle des souffrances physiques et morales, si elle apporte la preuve que ces préjudices ne sont pas déjà couverts par la rente.

    Le 20 janvier dernier, la Cour de cassation a opéré un revirement en faveur des victimes, estimant notamment qu’il était difficile pour ces dernières d’apporter la preuve que la rente n’indemnisait pas le préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.

    RÉPARATION DU DÉFICIT FONCTIONNEL PERMANENT DES VICTIMES, EN SUS DE LA RENTE

    En l’espèce, les tristes circonstances des deux affaires avaient été rappelées lors de l’audience devant les magistrats, le 20 décembre 2022 : deux salariés morts d’un cancer des poumons après avoir inhalé des poussières d’amiante dans le cadre de leur activité professionnelle, et pour lesquels la faute inexcusable de l’employeur avait été retenue. Pour la première victime, la Cour d’appel en charge du dossier avait statué en faveur d’une indemnisation de 20 000 et 50 000 euros au titre des souffrances physiques et morales de la victime. La Cour d’appel en charge de la seconde victime avait en revanche refusé toute indemnisation des préjudices moraux et physiques, estimant qu’ils étaient couverts par la rente.

    Face à ces situations, la haute juridiction s’est prononcée en assemblée plénière : il est désormais établi que la rente ne couvre pas le déficit fonctionnel permanent (post-consolidation) des victimes. Il est donc désormais possible et sans ambiguïté pour les victimes de demander la réparation de leur déficit fonctionnel permanent, en sus de la rente, et sans avoir à prouver que celle-ci ne couvre pas déjà ces souffrances.

    En ce sens, la Cour de cassation s’est alignée sur la jurisprudence du Conseil d’État pour qui, de manière constante, la rente n’indemnise que les préjudices professionnels.

    Emérance Haushalter