L '“histoire d’amour” de Carmen Blasco avec l’Hôtel-Dieu de Paris, dans lequel elle exerce depuis 1984, d’abord aux urgences de nuit puis aux urgences ophtalmologiques, a pris fin au printemps dernier. L’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) n’échappant pas aux affres des restructurations, l’emblématique établissement de l’île de la Cité, dont les effectifs ont fondu au gré des fermetures de services, a en effet été délocalisé à l’hôpital Cochin, dans le 14e arrondissement de la capitale.
Pas de quoi altérer l’inoxydable énergie d’une infirmière militante qui conjugue, depuis plus de 30 ans, carrière et engagement syndical. “C’est un métier passionnant aux multiples facettes, qui place l’humain au cœur. C’est aussi une profession particulièrement exigeante (responsabilités souvent écrasantes, travail en horaires décalés…) insuffisamment reconnue à l’échelle de toutes les compétences requises.”
Trois priorités : la pratique infirmière avancée, la rémunération et l’aménagement de carrière
C’est dans le giron du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI-CFE-CGC), représentant les infirmières (secteur public, secteur privé non lucratif, santé au travail, Ehpad) que Carmen Blasco, élue au bureau national, se bat au quotidien pour défendre la profession sur les grands dossiers. En particulier la réactualisation du décret de compétences des 600 000 infirmières, et le nécessaire développement de la pratique infirmière avancée pour leur permettre, via une formation complémentaire de deux ans, d’élargir leur domaine d’intervention et d’assurer un meilleur suivi des patients. Autre priorité absolue : le volet rémunération. “Contrairement à l’immense majorité des pays de l’OCDE, les infirmiers hospitaliers français perçoivent une rémunération inférieure - de 5% - au salaire national moyen”, déplore Carmen Blasco. Face à une profession “usante, où l’on est sans cesse confronté à la maladie et à la mort”, il s’agit aussi d’aménager les deuxièmes parties de carrières “pour donner la possibilité aux infirmières de passer sur des postes transversaux, par exemple en encadrant les étudiants”, explique-t-elle.
Détachée à 20% pour rester en prise avec le terrain
Plus largement, l’action syndicale est plus que jamais primordiale autour de la santé, un secteur “à bien des égards sinistré” estime Carmen Blasco, citant, pêle-mêle, la multiplication des déserts médicaux, les services d’urgence engorgés ou encore le manque de moyens et d’effectifs dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). “C’est notre responsabilité de syndicaliste de faire valoir nos revendications et de dialoguer de manière responsable pour trouver des solutions constructives, au service des personnels de santé et des citoyens usagers.”
Secrétaire générale du syndicat CFE-CGC de l’APHP, élue à la commission des soins, Carmen Blasco est aujourd’hui détachée à 20% : “J’ai fait le choix de ne pas me couper de l’hôpital pour rester en prise avec la réalité de terrain. Ce n’est pas toujours facile de concilier les plannings collectifs à l’hôpital et l’exercice de mes missions syndicales avec le suivi de dossiers complexes et chronophages. Souvent, je grignote sur mon temps personnel.”
Comme dans beaucoup de secteurs, l’encadrement est en première ligne à l’hôpital. “Beaucoup de cadres sont en grande souffrance. Nous observons une forte augmentation des dépressions et des cas de burn-out. Souvent isolé, l’encadrement est pris en étau entre les injonctions de réduction de personnel et des équipes opérationnelles affectées par des conditions de travail toujours plus difficiles.” «l’encadrement est en grande souffrance à l’hôpital.»