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Publié le 11 - 05 - 2021

    La CFE-CGC assigne General Electric à Belfort

    Aux grands maux, les grands remèdes : devant le non-respect des accords signés, la CFE-CGC porte le combat sur le terrain judiciaire.

    Trop c’est trop : General Electric (GE) dépasse les bornes ! Ce n’est pas de gaité de cœur que l’intersyndicale composée de la CFE-CGC et de SUD Industrie vient d’assigner l’entreprise américaine au tribunal judiciaire de Belfort. Le coût financier et le temps passé, pour une telle procédure, sont lourds. Mais quand toutes les autres voies sont bouchées…

    Que demande l’intersyndicale ? Tout simplement que les accords signés par General Electric en 2014 avec l’État français, et en 2019 avec les partenaires sociaux, soient respectés. Chronologiquement et stratégiquement, l’accord de 2014 est la matrice de celui de 2019 : il donnait le feu vert de l’État à la vente de la branche Energie d’Alstom à General Electric sur la base d’un projet de développement industriel en France. Parmi les engagements pris par la multinationale américaine, on trouvait la création de 1 000 emplois nets sur trois ans et la localisation en France pour dix ans (jusqu’en 2025) des quartiers généraux et des équipes mondiales de direction pour chacun des business de l’entreprise : nucléaire, digital, réseaux, énergies renouvelables et turbines à gaz. À grand renfort de communication, la France était présentée comme « la deuxième maison de General Electric »…

    Premier gros couac en 2019, quand l’entreprise prétexte un soi-disant effondrement du marché des turbines à gaz pour engager un projet de 792 suppressions d’emplois. Après plusieurs mois de lutte syndicale, un nouvel accord est trouvé à Bercy entre GE, la CFE-CGC et SUD, « reposant sur un difficile équilibre entre deux positions radicalement opposées : une vision financière de maximisation des profits à court terme pour GE, et une vision industrielle à long terme concernant l’intersyndicale », explique Philippe Petitcolin, délégué syndical CFE-CGC de GE EPF (turbines à gaz). Au terme de cet accord de 2019, sont obtenus le maintien d’une taille critique minimum de 1 275 salariés, la localisation à Belfort du quartier général de la technologie 50 Hz pour le marché des turbines, et la construction d’un projet industriel structuré autour de huit axes de développement.

    LES PROMESSES DE GE ONT VOLÉ EN ÉCLAT ET LE PROJET S’EST TRANSFORMÉ EN DÉSASTRE INDUSTRIEL

    Aujourd’hui, toutes les promesses de GE ont volé en éclat et le projet s’est transformé en désastre industriel. Le groupe américain a réduit les effectifs de 20 000 à 11 000 salariés en France et a délocalisé la majeure partie des services d’ingénierie en Inde, ainsi que les centres de décisions et les profits dans les paradis fiscaux (Suisse, Dubaï). GE a diminué drastiquement les budgets de R&D et d’investissements, et continue de conduire une politique de désindustrialisation en France et en Europe, sans que l’État réagisse, alors que son discours officiel parle de protéger les fleurons hexagonaux.

    Dans sa réponse du 7 mai dernier à la lettre de mise en demeure de l’intersyndicale concernant le non-respect de l’accord de 2014, l’État français reconnait pourtant, officiellement, que le groupe américain n’a pas respecté ses engagements. « Il reconnait, point par point, secteur par secteur, que le compte n’y est pas, commente Philippe Peticolin. Mais il nous demande aussi d’être patient car il y a eu une toute petite avancée depuis un mois, et General Electric est censé revenir en juin avec quelque chose de plus étoffé… »

    Les promesses n’engageant que ceux qui les écoutent et face à cette situation, la CFE-CGC et SUD ont donc saisi, le 10 mai, le tribunal judiciaire de Belfort pour demander au juge de faire injonction à GE EPF de respecter les accords de 2014 et de 2019. Avec une demande de 15 000 euros d’astreinte par jour de retard pour chacune des obligations non respectées.

    Diego Parvex, avocat associé au cabinet Atlantes et défenseur de l’intersyndicale, souligne le caractère inédit d’une telle action : « Il ne s’agit pas, de la part des syndicats, d’une demande de "rallonge" des mesures d’accompagnement dans le cadre d’un PSE. Ici, le combat syndical porte sur quelque chose de beaucoup plus grand : une préoccupation du territoire, du maintien de l’outil industriel, de l’emploi, de la souveraineté énergétique, de la santé économique de Belfort en tant que tel. L’intersyndicale prend la responsabilité d’un combat qui va au-delà du cadre paritaire traditionnel. En espérant que cela puisse donner des idées à d’autres. »

    Gilles Lockhart