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Publié le 30 - 04 - 2025

    Retraites : le pilotage du système au centre des débats

    Lors de la réunion du 30 avril, les organisations syndicales et patronales ont dressé un état des lieux et lancé des pistes de réflexion pour une refonte du pilotage des retraites du secteur privé.

    Après deux séances consacrées au financement des retraites puis à la retraite par capitalisation, la délégation paritaire permanente, réunie ce mercredi 30 avril, a ouvert le chantier du pilotage du système de retraite. Le sujet sera également au menu de la prochaine réunion programmée le jeudi 15 mai.

    Le pilotage du système de retraite fait partie des axes clés de la nouvelle feuille de route établie entre organisations syndicales et patronales dans le cadre de ce conclave retraites. « Il s’agit d’esquisser les fondements d'un pilotage pérenne et les partenaires sociaux affirment d’ores et déjà toute leur légitimité à en être partie prenante », déclarait ainsi Christelle Thieffinne, secrétaire nationale CFE-CGC à la protection sociale, à la sortie de la réunion du 10 avril officialisant la nouvelle note d’objectifs.

    Avec cinq délégations autour de la table (CFE-CGC, CFDT, CFTC, MEDEF et CPME), les échanges du 30 avril ont débuté sur la base d’une note réalisée par la mission animation retraite et les équipes de Jean-Jacques Marette (ancien directeur général de l'Agirc-Arrco), le coordinateur du conclave retraites. Cette contribution dresse un état des lieux des modalités de pilotage actuelles des retraites du secteur privé, puis détaille les enjeux et les mesures associées d’une possible refonte.

    UN CADRE DE PILOTAGE AUJOURD’HUI « INCOMPLET » ET « PEU OPÉRANT »

    S’agissant des règles actuelles, la note dresse le constat d’un cadre de pilotage « incomplet », « peu opérant » et « laissant peu de place aux partenaires sociaux. « Le pilotage du système de retraite hors régimes complémentaires et de professions libérales échoit au gouvernement et au Parlement, sans que ce pilotage soit assuré de manière régulière et structurée », précisent les auteurs. Avec, à la clé, des ajustements « par à-coups » des paramètres structurels : âge, durée d’assurance, niveau des pensions, recettes, etc.

    Face à ce constat, « les délibérations des partenaires sociaux pourraient s’inscrire dans un cadre de pilotage rénové, qui nécessite de répondre à plusieurs enjeux », souligne la mission animation retraite, tout en soulevant « des questions d’articulation avec les autres régimes ». En particulier l’Agirc-Arrco, piloté par les partenaires sociaux, qui représente 25 % de l’ensemble des prestations retraite et 40 % de la retraite des salariés du secteur privé.

    Dans le cadre d’un pilotage rénové, divers leviers d’action à la main des partenaires sociaux sont listés : revalorisation des pensions, durée d’assurance requise et âge de départ à la retraite, évolution des cotisations, etc. « Appuyées par des organes d’aide à la décision, les négociations des partenaires sociaux devront s’articuler avec les pouvoirs publics en amont et en aval », préconise la note.

    LA QUESTION DES OBJECTIFS ASSIGNÉS AU PILOTAGE DU SYSTÈME

    Les discussions entre délégations pour envisager un cadre de pilotage rénové ont ensuite permis de dégager un consensus en faveur de prévisions financières qui seraient fixées non pas à 40 ans mais à 15 ans (comme pour l’Agirc-Arrco), à articuler avec un pilotage d’équilibrage quadriennal ou quinquennal.

    La nécessité de constituer ou non des réserves (fond de lissage conjoncturel) et leur niveau a toutefois suscité des débats, de même que les objectifs qu’on assigne au pilotage du système : équilibre financier, équité, égalité hommes-femmes et taux d’emploi. La CFE-CGC a notamment fait valoir que le taux d’emploi ne peut pas être un objectif en soi du système de retraite mais plutôt un levier pour atteindre l’équilibre ; et que l’âge de départ à la retraite ne peut pas être qu’un levier pour atteindre l’équilibre, devant être un objectif (le système doit garantir de pouvoir partir à la retraite à un certain âge).

    L’ANALYSE DE CHRISTELLE THIEFFINNE, SECRÉTAIRE NATIONALE CFE-CGC À LA PROTECTION SOCIALE ET CHEFFE DE FILE DE LA NÉGOCIATION

    « Les discussions du jour ont été marquées par des premiers points d’accroche : objectifs, paramètres influents, leviers de pilotage. Eh oui, la Sécurité sociale, ce n'est pas l'Agirc-Arrco ! Cela signifie que nous commençons véritablement les négociations. »

    « Par exemple, l’âge de départ en retraite est un objectif de société. Pour la CFE-CGC, ce n'est pas un levier de pilotage financier. Autre exemple : le taux d'emploi des seniors. Celui-ci n'est pas un objectif des régimes de retraites mais un paramètre influent, voire un levier d'alerte. Si le taux d'emploi général n'est pas à un bon niveau, il met en péril le financement. Si celui des seniors, particulièrement, n'est pas à un bon niveau, il met en question la fixation de l’âge de départ à la retraite et les dispositifs d'accompagnement. »

    « Ces échanges entre délégations ont mis en exergue la grande différence entre le régime de base de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et les régimes complémentaires. Il est impératif pour la CNAV d'avoir des objectifs financiers et non financiers. C'est l'essence même de la Sécurité sociale. L'Agirc-Arrco pilote financièrement son régime sur les bases légales édictées par la Sécurité sociale. Il ne définit pas l'âge légal de départ à la retraite ou la durée de cotisation… Encore une fois, la Sécurité sociale n'est pas l'Agirc-Arrco, il faut bien les dissocier. Nous autres partenaires sociaux demandons, s’agissant des objectifs fixés par la Sécurité sociale, une vraie place et une voix forte (propositions et prise de décisions). »

    « Pour autant, on peut s’inspirer de l’Agirc-Arrco sur les horizons de pilotage, avec des prévisions d'équilibre à 15 ans, gage de fiabilité et de réalisme. Par ailleurs, un horizon de pilotage à court terme (4 ans) permet de définir concrètement les décisions à prendre. Ce type de pilotage permettrait d'éviter des réformes par à-coups et de sortir d'une logique de loi de financement annuelle. Une place de choix pour les partenaires sociaux permettrait de trouver les solutions adéquates entre équilibre financier et acceptabilité, de pouvoir expliquer et de prendre nos responsabilités en maîtrisant les ressources. Aujourd'hui, les systèmes, notamment de compensation variable d'une année sur l'autre, sont trop incertains. Il va falloir trouver des solutions qui impacteront forcément la construction des lois de finances actuelles. »

    « À travers ce type de solution, nous ouvrons une nouvelle ère : celle d’un dialogue organisé entre partenaires sociaux et politiques qui aurait lieu lors du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Il s’agit donc, sur les retraites, d’instaurer d'autres pratiques entre démocratie sociale et démocratie politique. Cela pourrait initier un chemin pour d’autres sujets. »

    Mathieu Bahuet