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Publié le 05 - 02 - 2021

    « Un PSE et le départ de salariés, c’est une destruction de capital »

    Invité d’une web conférence organisée le 5 février par Miroir Social sur les plans de restructuration qui se multiplient sous l’effet de la crise, François Hommeril, président de la CFE-CGC, a livré ses analyses.

    Alors que les restructurations d’entreprise (plans de sauvegarde de l’emploi, accord d’activité partielle de longue durée, rupture conventionnelle collective, accord de performance collective…) se multiplient sous l’effet de la pandémie de Covid-19, quid des salariés qui restent dans l’entreprise ? Tel était le sujet de la web conférence organisée le 5 février par Miroir social en partenariat avec le cabinet d’expertise Sextant.

    Comment se montrer transparent sur les enjeux et sur les moyens pour créer les conditions de la confiance ? Comment mettre en œuvre un projet porteur de sens pour rebondir après une phase de crise/restructuration ? Comment redonner des perspectives individuelles ? Quels moyens donnés aux cadres et à l’encadrement pour remobiliser des équipes touchées par une restructuration ? Autant de questions abordées par plusieurs intervenants (voir ici le plateau) dont François Hommeril, président de la CFE-CGC.

    Le président confédéral a livré ses analyses dont voici, ci-dessous, les principaux extraits.

    GESTION DES RESTRUCTURATIONS, ADAPTATION DES ENTREPRISES ET VALORISATION DES COMPÉTENCES  

    « Quand un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est négocié, l’idéal est de le faire par des gens qui restent et pas par ceux qui partent. Or on observe que dans une restructuration, la problématique des salariés qui restent n’est quasiment jamais examinée. Par ailleurs, on peut très bien procéder à une restructuration sans diminuer le nombre de postes. Dans une entreprise bien gérée, on peut et on doit en permanence restructurer de manière positive sans avoir forcément un objectif de réduction des postes.

    Les entreprises performantes sont celles qui ont su s’adapter avec une approche positive. Je prends l'exemple de l’usine Thales Alenia Space, spécialisée dans la fabrication de satellites. L’entreprise, de très haut niveau et compétitive, compte environ 1 000 salariés, en particulier des ingénieurs et des techniciens. Elle est basée à Cannes car au début du 20e siècle, on y fabriquait des hydravions et qu’il fallait être en bord de mer. La réalité de l’industrie est là : être passée de la production d’hydravions à celle de satellites, en adaptant les compétences. L’entreprise est une chaîne continue qui valorise ses compétences en interne au fil du temps, parfois en restructurant pour les faire évoluer et s’adapter constamment à son environnement. »

    L’IMPASSE DES RESTRUCTURATIONS DONT LA SEULE MOTIVATION EST FINANCIÈRE

    « Le problème aujourd’hui avec les plans sociaux, c’est que, dans l’immense majorité des cas, ils n’ont que des motivations financières pour restaurer les marges. Sur la base d’analyses comptables, on affecte au salarié la seule valeur de son salaire. Ces analyses purement financières sont particulièrement défaillantes, occultant le fait qu’un salarié, c’est du capital qu’il faut pouvoir valoriser dans un bilan comptable. Un PSE, avec le départ de salariés, c’est une destruction de capital et une façon de dire qu’ils ne contribuaient pas aux résultats de l’entreprise. Derrière, c’est la performance de l’entreprise qui s’en ressent, et des énormes difficultés pour les salariés qui restent, confrontés à une charge d’activité accrue et à des objectifs qu’ils ont du mal à pouvoir gérer. »

    LE CAS DE SANOFI

    « Sanofi, c’est un milliard d’euros de crédits d’impôts recherche (CIR) en dix ans pour une entreprise qui a divisé par deux son nombre de laboratoires et ses effectifs. Dès lors, il ne faut pas s’étonner des résultats. C’est un cas d’école, typique d’une entreprise où toutes les restructurations n’ont eu comme unique motivation que d’augmenter la valeur pour l’actionnaire, en détruisant de la valeur capitalistique humaine. »

     

    LE CAS DE NOKIA

    « Ce qui est à l’œuvre chez Nokia ce n’est pas une restructuration, mais une destructuration et une destruction. Nokia rachète pour détruire un concurrent. Quand Agnès Pannier-Runacher, la ministre chargée de l'Industrie, qui obtient par ailleurs de bons résultats dans d’autres secteurs, nous dit : « Je rencontre demain la direction de Nokia pour trouver une solution », elle se trompe complètement de cible. On ne négocie pas avec, entre guillemets, l’assassin de l’entreprise, ce n’est pas possible. On tente plutôt de le contraindre, de retenir son bras. »

    LES CADRES ET L’ENCADREMENT FACE AUX RESTRUCTURATIONS

    « Les cadres et l’encadrement sont responsabilisés sur des objectifs de process et de résultats. Quand ils n’ont plus les moyens d’atteindre ces objectifs, ils sont dès lors placés dans une situation difficile génératrice de démotivation, de souffrance.

    Il y a deux sortes de restructurations : celles financières, dont le seul objectif assigné à la gouvernance est de maximiser les profits financiers. Ces restructurations affaiblissent l’entreprise et placent l’encadrement en situation d’échec quant à sa capacité à remobiliser les équipes en place.

    L’autre type de restructuration, positive pour le développement d’une entreprise, est celle qui va octroyer des moyens – formation, transmission des compétences – et des investissements (R&D, marketing, etc.) propres à motiver les équipes en place et l’encadrement. »

    LES ENTREPRISES DOIVENT S’ADAPTER AUX ASPIRATIONS DES NOUVELLES GÉNÉRATIONS

    « Il y a un constat implacable ces dernières années. Les jeunes diplômés ne vont pas dans les entreprises uniquement pour gagner leur vie et y faire carrière. C’est révolu. Les nouvelles générations ont d’autres exigences et veulent savoir ce qu’elles vont faire, comment et pourquoi, avec du sens, une raison d’être, un projet d’entreprise. Cela vaut d’ailleurs pour l’ensemble des salariés, quel que soit leur âge. Les entreprises qui ne comprennent pas ces aspirations auront vocation à disparaître. »

    Mathieu Bahuet