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Publié le 14 - 04 - 2021

    « Une mauvaise affaire pour les salariés de Veolia et de Suez »

    Invité le 13 avril sur le plateau de BFM Business, François Hommeril, président de la CFE-CGC, évoque le rapprochement Suez-Veolia, lequel « ne fait que des perdants ».

    Êtes-vous inquiet et pensez-vous que les propos d’Antoine Frérot (PDG de Veolia) montrent une envie de protéger les salariés du groupe Suez ?

    Dans cette affaire, il n’y a que des perdants et peut-être un seul gagnant, Antoine Frérot, qui a atteint son objectif personnel. Notre analyse depuis le début est que cette OPA est une mauvaise affaire pour les salariés de Veolia et pour ceux de Suez. C’est une mauvaise affaire pour l’économie française et pour le secteur que cela représente. On avait historiquement ces deux grandes sociétés qui se sont développées. Il faut quand même rappeler que cet accord est obtenu à l’arraché dans des conditions un peu équivoques…

    Qu’appelez-vous équivoques ?

    J’ai entendu parler de pressions faites par des injonctions de justice sur les membres du conseil d’administration de Suez, avec des sommes relativement élevées. J’ai entendu dire qu’ils étaient assignés pour un préjudice de 300 millions d’euros par personne. Je dois vous dire que je ne connais pas bien le ressort de tout cela, mais cela a dû contribuer à mettre la pression.

    Vous pensez que le conseil d’administration de Suez a cédé devant une forme de chantage ?

    Cela me paraît une évidence, oui. Le moyen de justice est un moyen parmi d’autres qu’on peut d’une certaine façon faire valoir. Mais quand on a un projet industriel, si ce projet tient la route, il arrive un moment où, dans le rapport de force, il faut mettre d’autres moyens que la contrainte. Et c’est un peu le problème parce que, pour revenir dans le détail, imaginez que ces 15,50 euros l’action au tout départ de l’histoire ont été bonifiés dans la dernière proposition à 20,50 euros l’action : c’est 1,8 milliard d’euros supplémentaires. Mais qui va payer ça ? C’est l’endettement qui augmente dans Veolia et, au final, c’est l’ensemble des salariés qui va payer parce qu’il faudra bien affronter cette ardoise.

    Donc vous ne croyez pas Antoine Frérot lorsqu’il dit que ni chez Suez ni chez Veolia, les salariés ne feront les frais de cette opération ?

    Je suis sûr du contraire, et depuis le début. De toute façon, ce sont les salariés qui en feront les frais.

    Une réunion doit se tenir à Bercy sur la protection sociale qui peut exister. Vous n’y croyez pas ?

    Je ne crois pas du tout aux garanties sur l’emploi. J’ai malheureusement plusieurs dizaines d’années d’expérience dans le secteur et des garanties sur l’emploi, on n’a fait qu’en entendre. Excusez-moi de revenir, une fois de plus, sur les garanties sur l’emploi, les embauches et les créations d’emplois liées au CICE, le million d’emplois, etc.

    Il a fini par être là le million d’emplois !

    D’après nos calculs, ce sont les emplois les plus chers du monde. Pour en revenir au dossier, nous n’y croyons pas du tout car nous sommes aguerris par notre expérience de ce genre de situations. A la CFE-CGC, nous représentons des gens qui ont des responsabilités importantes dans les opérations. Et quand ils nous remontent leurs points de vue sur le caractère nocif de cette opération, c’est qu’ils ont pas mal de renseignements en interne. Non pas des renseignements confidentiels, mais ils savent ce qu'est la réalité des opérations et ce qu’il va advenir tant cette opération n’a pas de sens.

    Et donc vous avez interrogé vos syndicats en interne. Avez-vous un chiffre qui est remonté en termes de suppressions de postes entre Suez et Veolia ?

    Il est trop tôt pour le dire et cela rajouterait de la confusion. Pour prendre un slogan que j’emploie souvent, un plus un ne fait pas deux dans cette affaire. Inévitablement, cela fera 1,5… Dans la dernière négociation, Suez n’a pas obtenu ce qu' il voulait au départ à travers les différents montages proposés : ils n’ont pas obtenu la taille suffisante, dans notre analyse, pour pouvoir réaffronter toutes les perspectives de développement. Nous verrons bien.

    Interview à retrouver ici sur BFM Business.