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Publié le 18 - 01 - 2022

    Augmenter les salaires pour augmenter la productivité ?

    Dans une tribune publiée par L'Humanité le 17 janvier, Raphaëlle Bertholon, Secrétaire nationale CFE-CGC à l’Économie, aborde la question sous l’angle du partage de la valeur ajoutée.

    La question des revalorisations salariales n’a jamais été aussi brûlante ! L’inflation devrait s’établir à 2,8 % et 3,4 % en harmonisée (i.e : en net sur les prix de santé), ceci, sans compter le différentiel croissant entre inflation calculée et perçue qui a conduit la Banque Centrale Européenne à recommander de mieux intégrer le coût du logement dans le calcul de l’indice des prix.

    Côté entreprises, le « quoi qu’il en coûte » les a aidées à restaurer leurs marges, leur permettant de « mener le rebond » de versement des dividendes (+ 199 % pour le baromètre Henderson) ; et de revaloriser substantiellement la rémunération de leurs dirigeants, dépassant désormais celle d’avant-crise selon l’Hebdo des AG. Autant d’ingrédients qui légitiment la forte attente des salariés en matière de revalorisations salariales.

    La CFE-CGC aborde cette question sous l’angle du partage de la Valeur Ajoutée. La part accordée aux salariés conditionne le maintien de notre cohésion sociale indispensable à l’équilibre économique de notre société. Or, ce qu’observent les salariés de l’encadrement dans les entreprises, c’est une diminution de la part allouée aux salariés comme aux investissements (les emplois de demain). Constats confirmés par les données de la Banque de France : en 20 ans la part des actionnaires a triplé quand celle des salariés a reculé de 5 points.

    Miser sur la réduction des coûts fut le choix politique retenu pour améliorer la compétitivité des entreprises françaises. La crise en a révélé les conséquences : une désindustrialisation massive faute de montée en gamme de notre production à l’inverse de l’Allemagne qui a su maintenir son industrie grâce à sa compétitivité hors coût. L’autre effet de cette politique est un appauvrissement de la classe moyenne, avec en premier, une pression fiscale accrue. La part apportée par les contribuables (impôts sur le revenu) et celle des entreprises (impôts sur les sociétés) quasi-équivalente en 2010, s’est déformée en défaveur des premiers qui s’acquittent désormais de 12 milliards supplémentaires (2/3 du CICE). Du côté des salaires, les cadres ont fait les frais des politiques d’austérité pratiquées par les entreprises. Souvent oubliés des revalorisations collectives, le premier niveau touche désormais 1,81 SMIC, alors qu’il en percevait 2,35 en 2002. Parallèlement, les travailleurs indépendants dits « classiques » (ref. URSSAF) ont vu leur rémunération moyenne progresser sur 10 ans (2008 à 2018) deux fois plus vite que celle des salariés. Pas étonnant qu’ensuite, les entreprises voient partir leurs « talents », les plus engagés, comme l’a montré l’étude IRES commanditée par la CFE-CGC.

    Comment se sortir de cette spirale négative dans laquelle nous a enfermé la politique de gestion par les coûts ? Simplement en rappelant que « le bon marché est toujours trop cher » s’applique aussi aux salaires. L’étude de W. Cascio a analysé deux entreprises comparables, en intégrant les coûts cachés (turn-over) et la productivité, et conclu à l’avantage compétitif de celle qui payait ses employés 40 % de plus ! Preuve que bien payer ses salariés peut procurer un avantage concurrentiel.

    Aussi, la CFE-CGC milite pour un pacte de progression salariale donnant une perspective aux salariés, une confiance restaurée et l’envie de s’impliquer durablement dans leur entreprise pour la porter au plus haut, dans l’intérêt commun.