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Publié le 23 - 01 - 2024

    Chez Atos, les équipes CFE-CGC sur tous les fronts

    Le groupe de services informatiques et digitaux (plus de 10 000 salariés en France) fait face à une dette colossale et à un projet de restructuration. Le point avec Karine Dran, coordinatrice CFE-CGC, première organisation syndicale dans l’entreprise.

    Quel est votre parcours syndical ?

    J’ai adhéré en 2015 à la CFE-CGC. Je travaillais alors comme senior manager au sein d’Atos consulting, une petite entité du groupe. J’ai d'abord été représentante syndicale au comité d’entreprise puis secrétaire du CE avant de participer à plusieurs négociations et de me prendre au jeu. J’ai ensuite occupé divers mandats (déléguée syndicale, élue secrétaire adjointe du CSE central…) jusqu’à devenir coordinatrice de la CFE-CGC Atos au moment du départ en retraite d’Olivier Debroise il y a quelques mois. La passation a été préparée durant deux ans. Siégeant déjà au bureau du CSE central de notre unité économique et sociale (UES) et très impliquée dans la communication de la section, j’étais connue par la direction et par nos adhérents.

    Lors des élections professionnelles de novembre 2023 chez Atos (plus de 10 000 salariés en France sur une trentaine de sites), la CFE-CGC est devenue la première organisation syndicale avec 32,5 % de représentativité, devant la CFDT. Comment peut-on l’expliquer ?

    C’est un résultat historique et le fruit d’un travail syndical de longue haleine mené au plus près du terrain par nos militants. La CFE-CGC Atos, qui a la particularité d’être dans le giron de deux fédérations CFE-CGC (FIECI et Métallurgie), est la seule organisation syndicale représentative dans les 4 CSE du groupe et nous tenons dorénavant le secrétariat dans chacun. La CFE-CGC s’appuie sur un réseau de 120 élus et mandatés dont une trentaine de délégués syndicaux, et compte 50 représentants de proximité. Nos équipes mènent beaucoup d’actions de communication pour informer les salariés qui sont d’autant plus intéressés par les sujets sociaux et économiques vu la situation préoccupante de l’entreprise, confrontée à une dette de près de 5 milliards d’euros. Il faut aussi souligner que l’architecture sociale a été renégociée l’an dernier à l’occasion du projet de scission d’Atos en deux entités. Cela a occasionné une réduction importante du nombre d’élus et de mandatés que nos bons résultats aux élections ne compensent pas totalement.

    S’il faut trouver une solution à l’endettement, il faut aussi une vision industrielle et sortir de cette approche purement financière »

    Paul Saleh, récemment nommé directeur général d’Atos en remplacement d’Yves Bernaert, est le quatrième DG du groupe en 2 ans. Comment réagissez-vous à cette valse des dirigeants ?

    Il y a une forme de stupéfaction même si nous sommes habitués à ces énièmes changements de direction qui contribuent aux inquiétudes dans l’entreprise. Paul Saleh est une pointure dans son domaine mais c’est un financier. S’il faut bien sûr trouver une solution à l’endettement qui est le sujet numéro un de l’entreprise, il faut aussi et surtout régler les problèmes de fond avec une vision industrielle, proche du terrain, et une feuille de route claire pour relance la machine. C’est ce qui manque cruellement à la tête du groupe toutes ces dernières années.

    Près de 5 milliards d’euros de dettes, un cours en bourse en baisse de 40 % depuis le 1er janvier… Comment en est-on arrivés à une situation aussi critique ?

    C’est aujourd’hui la survie de l’entreprise qui est en jeu. C’est d’autant plus difficile pour les organisations syndicales qu’en dehors des communiqués officiels, très peu d’informations parviennent aux instances de représentation du personnel. La situation actuelle résulte d’erreurs stratégiques et d’une folie des grandeurs. Avec Thierry Breton (ndlr : actuel commissaire européen au marché intérieur), PDG entre 2008 et 2019, Atos a progressé par croissance externe (rachats de Xerox, Syntel…), rêvant un temps d’accéder au marché américain. Le groupe s’est retrouvé endetté, tout en distribuant à ses actionnaires une partie du capital de notre pépite Worldline, un des leaders mondiaux de la sécurisation des paiements. Cette approche purement financière et cette stratégie très court-termiste ont plombé Atos. 

    Anticiper la restructuration pour que les accords et les droits sociaux soient reconduits pour tous les salariés, y compris ceux qui quitteront le groupe »

    Le dossier Atos est remonté jusqu’à Bercy et au comité interministériel de restructuration industrielle. Quelles sont les craintes des organisations syndicales ? 

    Nous ne sommes pas associés à ces discussions sur le projet de restructuration qui prévoit la scission d’Atos en deux entités avec la vente des activités d'infogérance (Tech Foundations) au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky (par ailleurs impliqué dans le rachat de Casino), et celles de la cybersécurité et du big data (BDS) à Airbus. Les organisations syndicales ont les idées claires sur l’analyse de la situation mais subissent toutes ces décisions, nominations et réorganisations, sans pouvoir peser via les instances puisque les avis sont ignorés et que même les droits d’alertes exercés ne servent à rien. Notre priorité, depuis plus d’un an, est donc d’anticiper au maximum les conséquences de la restructuration pour faire en sorte que tous les accords et les droits sociaux en vigueur soient reconduits pour tous les salariés, y compris ceux qui quitteront le groupe. Après, en termes d’emploi, nous craignons clairement des plans sociaux.

    Dans ce contexte, comment se présentent les prochaines négociations salariales ? 

    Les négociations annuelles obligatoires (NAO) s’annoncent très difficiles même s’il faudra attendre la publication, fin février, des résultats financiers du groupe. Il y a d’un côté des revendications très légitimes d’augmentations salariales par rapport à l’investissement des collaborateurs et au contexte d’inflation. Et, de l’autre, la situation économique très difficile de l’entreprise.

    Propos recueillis par Mathieu Bahuet