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Publié le 02 - 06 - 2020

    « Chez Renault, la CFE-CGC est en colère »

    Entretien avec Bruno Aziere, secrétaire national pour l’Industrie à la Fédération de la Métallurgie et ancien délégué syndical central CFE-CGC Renault.

    Relance de l’Alliance avec Nissan et Mitsubishi, prêt garanti par l’Etat (PGE) : l’actualité entourait Renault depuis quelques jours. L’annonce, le 28 mai, de la suppression de 15 000 emplois dans le monde, dont 4 600 en France, a brutalement corsé l’addition. Au risque de remettre en cause le dialogue social au sein de la marque au losange. Bruno Aziere, secrétaire national pour l’Industrie à la Fédération de la Métallurgie et ancien délégué syndical central CFE-CGC Renault (*), fait le point.

    Que vous inspirent les annonces de la direction de Renault ?

    Des rumeurs de fermeture de sites étaient sorties dans la presse à notre grand étonnement, car ce n’est pas le schéma habituel de communication de l’entreprise. Pour bien le connaître après 12 ans de dialogue social en central avec Renault, c’est la première fois que des fuites sur des sujets aussi stratégiques se produisaient. La confirmation de ces rumeurs en CCSE a rendu les choses encore plus surprenantes que ce à quoi je m’attendais. Venant personnellement du site de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), je ne m’attendais pas à ce qu’il soit « choisi » pour être fermé en 2022. Il n’y a eu absolument aucun travail de dialogue social avant ces annonces.

    Il n’y a eu absolument aucun travail de dialogue social avant ces annonces."

    Quelle est votre ligne d’action aujourd’hui ?

    Nous aimerions que l’entreprise retire son plan, le mette entre parenthèses et reconstruise un dialogue avec les partenaires sociaux sans nous demander de nous contenter de gérer les conséquences. Mais cela ne va pas être simple car la CFE-CGC est en colère. Il y a des intersyndicales qui se constituent sur les sites de Choisy et de Maubeuge (ndlr : dont la production d’utilitaires électriques Kangoo devrait être transférée à Douai), usine qui est d’ailleurs arrêtée. Nous allons voir en central avec les autres organisations syndicales comment ne pas en rester là.

    Que pensez-vous de la relance de l’Alliance ? En quoi cette stratégie a-t-elle causé la situation d’aujourd’hui ?

    Si j’ai bien compris la communication du Groupe, l’Alliance serait partie un peu trop loin sur l’axe « volume » — cf. l’objectif 2017 d’atteindre 14 millions de véhicules vendus en 2022 — et se recentrerait aujourd’hui sur des choses plus profitables. Du coup, peut-être que cette course au volume a engendré des investissements dont les partenaires ne peuvent plus assurer les conséquences. Mais on ne peut pas tout mettre sur le dos de la course au volume. Si Renault n’est pas parvenu à s’imposer en Chine, c’est peut-être aussi à cause de quelques erreurs de produits ou de marketing, même si je n’ai pas les éléments pour en juger. De la même manière, en Europe, certaines gammes n’ont pas fonctionné, comme le montre le fait que l’usine de Douai, qui fabrique les segments C et D (Scenic, Talisman, Espace) ne tourne pas à plein régime.

    Comment appréhendez-vous le prêt garanti par l’Etat ?

    Dans notre stratégie, il n’y a pas la volonté de le conditionner ou de faire du chantage. Du fait de la crise sanitaire, ce prêt est vital à court terme pour Renault. Je rappelle d’ailleurs que ce n’est pas un prêt de l’Etat mais un prêt dont l’Etat est caution. Ce sont les banques qui prêtent à Renault et cela ne veut pas dire que Renault va tirer la totalité de ces 5 milliards d’euros tout de suite.

    Propos recueillis par Gilles Lockhart

    (*) Guillaume Ribeyre lui a succédé en janvier 2020.