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Publié le 17 - 07 - 2025

    « Faire du logement une priorité nationale transpartisane »

    Déléguée nationale CFE-CGC et administratrice au sein de l’organisme paritaire Action Logement, Fatima Hamadi analyse les défis logement-emploi et souligne les actions menées par les structures CFE-CGC.

    Le logement est le premier poste de dépense des salariés. Quelle analyse faites-vous d’un secteur en difficulté chronique ces dernières années ?

    Véritable bombe sociale, le logement est devenu un facteur de relégation, de désillusion, et de renoncement. Il n’est plus ce socle de stabilité qui permet de s’ancrer, de se projeter, d’élever une famille, ou de saisir une opportunité professionnelle. En 2025, 2,8 millions de ménages attendent un logement social et 350 000 personnes sont sans domicile fixe. Le logement accapare 27 % du revenu des ménages et, entre 2022 et 2024, 30 % des jeunes actifs ont renoncé à une opportunité professionnelle faute de solution résidentielle. Plus largement, 25 % des salariés refusent une mutation ou une promotion pour éviter de déménager et 25 % renoncent à un emploi faute de logement abordable.

    Le marché immobilier traverse une crise structurelle : seulement 259 000 logements ont été mis en chantier en 2025, soit une chute de 40 % par rapport à 2017. Cette crise chronique est amplifiée par plusieurs facteurs : taux d’intérêt multipliés par 4 depuis 2022, coûts de construction en hausse de 20 %, effondrement historique de 22 % des ventes dans l’ancien et une inflation qui a grignoté le pouvoir d’achat des salariés. Avec une offre qui se contracte, les prix s’envolent, aggravant la situation.

    La crise du logement touche en premier lieu les classes moyennes, ces « oubliés du logement » que la CFE-CGC représente. Trop « riches » pour accéder au logement social, trop « pauvres » pour acheter ou louer dans le privé, les salariés cadres, techniciens et agents de maîtrise sont piégés dans une spirale d’exclusion résidentielle. Cette crise du logement freine la mobilité professionnelle, plombe le pouvoir d'achat et bloque toute une chaîne de valeur économique. Pour les entreprises, c'est aussi un double frein : difficultés de recrutement et renoncement à s'implanter dans certaines zones.

    Garantir l’autonomie financière et opérationnelle d’Action Logement tout en répondant aux besoins des salariés »

    Les politiques publiques en matière de logement sont-elles à la hauteur des enjeux ?

    La France consacre 1,6 % de son PIB aux aides au logement, le double de la moyenne européenne, sans que le nombre de logements disponibles ne progresse significativement. Le besoin de réformes structurelles, coordonnées, n’a jamais été aussi urgent. Il faut un véritable choc de politique publique articulant logement, emploi, mobilité, pouvoir d’achat, écologie et cohésion territoriale.

    Des mesures ont été prises en 2025 : prolongation du PTZ jusqu’en 2027 et extension à tout le territoire, baisse des frais de notaire et du prélèvement RLS, diminution du taux du livret A. Elles étaient nécessaires mais restent largement insuffisantes. L’offre ne suit pas, les prix et les délais de construction continuent à pénaliser l’accession et la mobilité. Il manque une vision d’ensemble. Pour la CFE-CGC, il faut faire du logement une priorité nationale car c’est la pierre angulaire de toute politique publique.

    Où en est la mise en œuvre de la convention quinquennale 2023-2027 entre l’État et Action Logement, l’organisme paritaire géré par les partenaires sociaux ?

    La signature de cette convention, le 16 juin 2023, était vitale. Elle mobilise 14,4 milliards d’euros autour de trois axes : accompagner les salariés dans leur parcours résidentiel, répondre aux besoins des territoires et contribuer à la transition écologique. Les objectifs sont ambitieux : 200 000 logements construits, autant de rénovés, 650 000 attributions pour les salariés, 3,8 milliards d’euros par an pour l’ANRU (rénovation urbaine) et 1 milliard d’euros pour le dispositif « Action cœur de ville ».

    Malgré un contexte économique difficile, Action Logement a tenu ses engagements, et même dépassé certains objectifs. Pourtant, l’État n’a pas tenu les siens et a opéré des ponctions destructrices.En 2023–2024, il y a eu de nombreuses défaillances d’entreprises et de PSE qui se sont poursuivies en 2025. L’impact sur les ressources de la participation de l'employeur à l'effort de construction (PEEC) se fera sentir dès le second trimestre 2026. En ajoutant un contexte budgétaire tendu et un État qui ne tient pas ses engagements, il faudra rester extrêmement vigilant pour préserver les financements et mesurer les effets concrets sur le terrain.

    La CFE-CGC en appelle à trouver un équilibre entre innovation, équité et préservation du paritarisme face aux pressions étatiques. Une réforme structurelle est nécessaire pour garantir l’autonomie financière et opérationnelle d’Action Logement tout en répondant aux besoins des salariés. Plus largement, nous militons pour faire du logement une priorité nationale transpartisane, adossée à une loi de programmation pluriannuelle. La CFE-CGC est aussi favorable à la création d’un Haut conseil du logement associant les partenaires sociaux, les collectivités et les bailleurs.

    Renforcer le lien emploi-logement avec des offres adaptées pour les jeunes actifs, les alternants et les salariés en mobilité »

    En quoi consiste votre mandat d’administratrice au sein d’Action Logement et quelles revendications y porte la CFE-CGC ?

    Être administratrice CFE-CGC à Action Logement, c’est défendre un paritarisme responsable et exemplaire. Mon rôle consiste à veiller à la cohérence entre la stratégie nationale et les besoins des salariés, à préserver l’universalité des services et à garantir que les 1,9 milliard d’euros collectés via la PEEC soient bien redistribués conformément aux engagements de la convention.

    Nos revendications sont claires. Il s’agit de renforcer le lien emploi-logement avec des offres adaptées pour les jeunes actifs, les alternants et les salariés en mobilité, sans oublier les personnes en perte d’autonomie et/ou en situation de handicap. Il convient par ailleurs de préserver l'autonomie financière d'Action Logement face aux ponctions étatiques. Le classement en administration publique d’Action Logement Services (ALS) représente un chiffon rouge (voir encadré ci-dessous) : il menace directement le modèle paritaire et réduirait drastiquement les capacités d’investissement d’Action Logement.

    La CFE-CGC milite également pour augmenter la production de logements intermédiaires via des incitations fiscales pour les bailleurs ; pour réviser les critères d’attribution du logement social afin de mieux intégrer les classes moyennes en zones tendues ; et pour soutenir la mobilité professionnelle avec des dispositifs spécifiques. Enfin, nous proposons d’élargir le rôle d’Action Logement pour financer davantage de projets structurants, de simplifier les aides avec un guichet unique et de lancer un plan massif de rénovation énergétique, piloté localement.

    Comment s’organisent la CFE-CGC et ses structures pour agir sur le plan syndical et accompagner les salariés et les agents dans leur recherche d’un logement ?

    Résolument engagée sur ce sujet majeur, la CFE-CGC défend le logement pour les salariés du privé, les agents et les contractuels des trois versants de la fonction publique (État, hospitalière, territoriale). Nos actions se structurent à trois niveaux. Au niveau confédéral avec un secteur piloté par notre secrétaire national Christophe Roth, deux délégués nationaux (Christophe Legois et moi-même) et un expert (Diego Alarçon). Au niveau territorial, nous déployons depuis 2024 un réseau interfédéral de référents CFE-CGC logement. Ce maillage garantit proximité terrain et réactivité dans l'accompagnement des salariés. Au niveau paritaire, j’anime notre réseau de 80 administrateurs siégeant dans les instances du logement. Un programme de formations, en collaboration avec Action Logement Formation (ALF), est en place pour les aider dans leurs missions et peser dans les décisions.

    En termes de ressources, la mise à jour du Mémo Logement CFE-CGC, un outil pratique pour orienter les salariés et les agents publics avec toutes les informations utiles sur les aides, les contacts et les démarches, sera prochainement disponible. Et c’est aussi avec fierté que la CFE-CGC organisera, le 11 décembre prochain, un premier colloque consacré au logement. Toutes ces actions reflètent notre conviction. Le droit au logement passe par l’information, la proximité et des représentants bien formés. Notre force est de faire du logement une véritable offre syndicale de service intégrant l’accompagnement au logement comme un droit fondamental.

    Propos recueillis par Mathieu Bahuet

    Les partenaires sociaux défendent le modèle paritaire d’Action Logement

    Dans un courrier commun au Premier ministre François Bayrou, les cinq organisations syndicales (CFE-CGC, CFDT, CGT, FO, CFTC) et les deux organisations patronales (MEDEF, CPME) du comité d’orientation politique d’Action Logement en appellent à « préserver le modèle paritaire » de l’acteur de référence du logement social et intermédiaire pour faciliter l’accès au logement et favoriser l’emploi.

    Les partenaires sociaux demandent au gouvernement de lever la « menace incompréhensible que fait peser le classement, par l’Insee, d’Action Logement Services (ALS) en administration publique ». Un classement qui, s’il est confirmé par arrêté ministériel, aurait notamment pour conséquence d’empêcher la filiale du groupe d’emprunter sur plus de 12 mois et « de freiner les missions d’Action Logement, toujours au rendez-vous de ses engagements, depuis 70 ans ».

    Symboliquement, le courrier a été signé le 10 juillet dernier lors des rencontres nationales d’Action Logement organisées à Meudon (Hauts-de-Seine). « La CFE-CGC a demandé, en présence de trois ministres et de tous les partenaires sociaux représentatifs, que le logement soit érigé en grande cause nationale, témoigne Christophe Roth (photo ci-contre), secrétaire national confédéral en charge du secteur accessibilité et égalité des chances. Nous refusons le classement d’Action Logement Services en administration publique, qui signerait la fin du paritarisme en matière de logement. »

    « Chaque année, Action Logement agit concrètement et délivre près de 800 000 aides et services aux salariés et aux jeunes qui démarrent dans la vie active, rappelle Christophe Roth. Grâce à la convention quinquennale et aux 45 entreprises sociales pour l’habitat (ESH) de sa filiale logement intermédiaire, Action Logement apporte des réponses pour toutes les catégories de ménages sur tous les territoires. Preuve que le paritarisme fonctionne ! »