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Publié le 26 - 08 - 2020

    Groupe Fnac Darty : forte charge psychique pour les cadres

    Par Laurence Gnonlonfoun, déléguée syndicale centrale CFE-CGC Fnac.

    Confrontés à une crise hors norme, la CFE-CGC et ses militants s’activent au quotidien dans les branches professionnelles et les entreprises pour faire vivre un dialogue social plus indispensable que jamais. Le témoignage de Laurence Gnonlonfoun. 

    ENGAGEMENT SYNDICAL

    « Mon adhésion et mon élection en 2015 ont officialisé un combat mené depuis mon entrée dans la vie professionnelle pour défendre mes droits et ceux de mes collègues et pour me dresser contre toutes les injustices auxquelles j’étais confrontée. Juriste de formation, cadre dès mon premier emploi, la CFE-CGC et son mode de fonctionnement m’ont paru tout indiqué pour structurer ma volonté d’agir.

    Aujourd’hui, à 63 ans, en tant que présidente de l’USN Audiovisuel et vice-présidente de la CFE-CGC Commerce, je suis très fière de revendiquer une part dans la forte progression de la CFE-CGC dans le groupe Fnac Darty. Nous sommes passés de 2,94 % de représentativité globale en 2016 à 10,35 % en 2019, chiffre à rapporter au pourcentage de cadres dans ce groupe qui n’est que de 15 %. Concernant uniquement le collège des encadrants, la CFE-CGC est première avec 35,35 % à la Fnac et 49,58 % chez Darty. Pour mémoire, le groupe Fnac Darty représente 880 magasins dans le monde pour 24 000 salariés dont 18 000 en France. Il a récemment intégré les 91 magasins de l’enseigne Nature et Découvertes. »

    CONFINEMENT ET CHÔMAGE PARTIEL

    « Comme nous sommes principalement des magasins, notre activité s’est arrêtée brutalement le 16 mars et presque tout le monde a été mis en chômage partiel à l'exception de la paie, de la moitié des services du siège, de la livraison, des entrepôts logistiques préparant les commandes internet, des livreurs et des installateurs. Avant même que la loi ne l'y autorise, j’avais reçu un appel de ma direction Exploitation insistant sur la nécessité que les élus acceptent d’être au chômage "pour aider l’entreprise". J’ai protesté en disant qu’il y aurait du travail pour la DRH et les élus et que ce n’était pas le moment de les mettre en chômage partiel. Puis, après avoir consulté largement, nous avons décidé d’accepter mais de déclarer notre travail s’il y en avait. Les organisations syndicales (OS) ont obtenu le paiement des salaires à 100% du 16 mars au 31 mars pour tous. La direction a soumis la possibilité d'être payé à taux plein après le 31 mars à l'acceptation d'un accord de modulation du temps de travail sur un an. »

    UN DIALOGUE SOCIAL FLUCTUANT

    « Le dialogue social a été inégal suivant les sociétés. Au siège où l’on compte 1 600 cadres et où presque la moitié de l’effectif travaillait durant le confinement, il y a eu des échanges et des réunions hebdomadaires et les OS ont été écoutées. Dans les sociétés de l'exploitation, le problème a été beaucoup plus compliqué dans la mesure où les RH étant au chômage partiel ainsi que les élus, il n’y avait pas de points quotidiens ni hebdomadaires. Il a fallu toute l’insistance des OS pour obtenir que se tienne un comité de groupe et environ trois comités sociaux et économiques (CSE) par entreprise durant le confinement. J’ajoute que nos directions des ressources humaines ont été très opportunistes : elles attendaient la communication des ordonnances gouvernementales pour prendre des décisions. Elles nous présentaient ensuite les plateformes élaborées avec les différents comités de direction, traitant les élus comme des chambres d'enregistrement. »

    TENTATIVE AVORTÉE D’ACCORD DE MODULATION DU TEMPS DE TRAVAIL

    « La direction a voulu négocier au niveau groupe un accord de modulation du temps de travail qui consistait, sur une période d'un an, à baisser de 30 % tous les contrats heures et à les augmenter d’autant en fin d’année. La CFE-CGC n'a pas signé cet accord pour l’Exploitation car les simulations de plannings que nous avions faites démontraient qu’il manquerait du personnel à la reprise et que toute la charge de travail pèserait sur l'encadrement.

    Depuis quelques années, on constate une fonte des effectifs d’encadrement dans les plus petits magasins. Pour vous donner une idée, en 2010, dans un magasin de 80 personnes, il y avait 11 cadres. Le même magasin est passé aujourd’hui à 33 salariés et il n’y a plus que 4 cadres. Autrement dit, quand il y a des reliquats de congés payés dans un contexte d’effectifs aussi tendus, ce sont les cadres qui compensent, qui font l’ouverture et la fermeture du magasin, qui remplacent quelqu’un au SAV, en caisse, qui passent toute la journée à courir partout. J’ai demandé des contreparties pour les cadres. Sans entrer dans les détails, nous ne les avons pas obtenues si ce n’est une réduction des amplitudes horaires d’ouverture des magasins, et la négociation de cet accord a tourné court à l’initiative de la direction »

    REDÉMARRAGE ÉCONOMIQUE

    « Sanitairement, cela se passe bien bien : la protection des salariés et des clients a été faite exactement dans les normes gouvernementales et les OS ont obtenu de la direction que les clients portent des masques, ce qui a été une bataille très rude. Les cadres ont été remerciés par les OS employés lors des CSE pour la qualité de leur investissement. Économiquement, l’intensité de la reprise dépasse les prévisions de la direction en particulier chez Darty et dans les magasins situés en périphérie des agglomérations. Le chiffre d’affaires réalisé par internet et le click and collect sont en très forte augmentation. La vente sur internet a d’ailleurs été très forte durant le confinement et cela continue.

    Humainement et socialement, la reprise est difficile : même deux mois après la reprise, aucune des négociations en cours n’a repris (NAO et équilibre vie privée/vie professionnelle en particulier). La CFE-CGC a alerté sur la charge psychique et physique qui pèse sur les cadres de terrain. La direction nous promet de contrôler davantage le forfait-jours et nous assure qu’elle va proposer des mesures concrètes susceptibles d’alléger les contraintes organisationnelles. Nous verrons bien. En attendant, nous restons en vigilance totale sur ces questions. »

    Propos recueillis par Gilles Lockhart