Les Français vivent plus longtemps et font moins d'enfants. Carrières prolongées, fin de carrières, question des salariés aidants familiaux... une enquête Elabe révèle comment les actifs perçoivent cette réalité démographique.
Dans une France où le débat sur l'allongement des carrières divise, comment les actifs perçoivent-ils l'impact du vieillissement démographique sur leur travail ? Selon l'enquête « Le travail en transitions » d'Elabe pour l'Unédic*, 64 % des actifs pensent que la transition démographique impactera fortement le marché du travail et les entreprises en général. Des proportions qui grimpent à 72 % chez les 18-29 ans et 73 % chez les parents aidants d'un proche de 55 ans et plus.
Des seniors valorisés mais aux inquiétudes persistantes
L'enquête révèle que les seniors sont bien vus par les autres catégories d’âge. Ainsi, 55 % des actifs considèrent les seniors comme un atout pour les entreprises, notamment dans la transmission des compétences, seuls 8 % les percevant comme un handicap. Cette reconnaissance s’accompagne par des relations intergénérationnelles plutôt positives, puisque 68 % des actifs estiment que jeunes et anciennes générations se parlent régulièrement, 62 % qu'ils se font confiance et 61 % qu'ils s'entraident.
Mais ces bonnes relations ne masquent pas la réalité d’une fin de carrière qui inquiète. Car, en entreprise, le seuil symbolique des 52 ans marque l'entrée dans la catégorie « senior », soit cinq ans plus tôt que dans la société (57 ans). Cette perception précoce du « statut senior » crée des difficultés d'évolution de carrière pour les concernés, et suscite davantage d'inquiétudes que de sérénité chez eux.
Ainsi, parmi les 74 % d'actifs qui pensent à leur retraite (dont 28 % régulièrement), 56 % se montrent inquiets, contre 43 % qui se disent confiants. La principale source d'anxiété ? Le faible montant de la retraite et la baisse de revenus (45 %), devançant l'âge de départ (21 %) et les préoccupations de santé (10 %).
Carrières prolongées et nouveaux arbitrages familiaux
Avec des vies mais aussi des carrières plus longues, les actifs doivent gérer des arbitrages familiaux plus complexes que jamais, sur une période désormais plus étendue. A ce sujet, l'enquête révèle que 78 % d’entre eux estiment qu'avoir un enfant peut nuire à une carrière professionnelle, en particulier pour les femmes. Un chiffre qui grimpe à 86 % pour ceux qui ont reporté un projet d'enfant. Les hommes ne sont pas épargnés, puisque 60 % considèrent que prendre un congé paternité peut impacter leur carrière.
Ces tensions s'accentuent dans un contexte de vieillissement démographique, où 78 % des actifs anticipent que la durée de vie professionnelle s'allongera. Parallèlement, les secteurs jugés comme les plus favorisés par cette transition - santé (37 %), social (32 %) et services à la personne (24 %) - sont aussi ceux où l'équilibre vie privée-vie professionnelle est le plus instable.
Par ailleurs, la transition démographique génère de nouveaux défis pour les aidants familiaux : 88 % d’entre eux disent avoir des difficultés à concilier leur rôle avec leur travail, une situation qui concernera une part croissante de la population, souvent senior. Cette double responsabilité nécessite un accompagnement spécifique que peu d'entreprises proposent aujourd'hui.
Répondre aux nouveaux besoins des actifs : une stratégie gagnante pour les entreprises
Face à ces enjeux, les attentes des actifs sont claires, et, si répondues par les entreprises, peuvent constituer un formidable levier d’attraction. 78 % des sondés considèrent l'engagement de l’entreprise sur des solutions répondant à ces enjeux démographiques comme un facteur de fidélité, et 75 % comme un élément d'attractivité en faveur de l’employeur. Ces proportions grimpent à 82 % chez les aidants et 83 % chez les parents d'enfants de moins de 14 ans.
Les solutions plébiscitées sont des services de garde et d'accueil (crèches d'entreprise, partenariats) à 91 %, la possibilité de fractionner les congés parentaux (87 %), et un accès facilité au télétravail avant et après la naissance (85 %). L'aménagement des horaires (84 %) et la prolongation de l'arrêt maladie pour fausse couche (84 %) complètent ce top 5.
En outre, si 80 % plébiscitent une aide à la garde d'enfant et l'allongement des congés maternité/paternité, 76 % réclament des congés d'adoption étendus et 74 % des congés rémunérés spécifiques.
Face au vieillissement démographique, les entreprises qui sauront anticiper ces mutations en proposant des solutions concrètes pour accompagner aidants et parents et revaloriser la place du senior dans l’entreprise disposeront d'un avantage concurrentiel décisif. Car au-delà des chiffres, c'est bien l'humain qui reste au cœur de cette transition : concilier carrières prolongées, responsabilités familiales et transmission des compétences nécessite une approche globale et bienveillante du management des âges.
* Source : « Le travail en transitions » comprenant une enquête en ligne auprès de 2023 actifs dont 300 aidants représentatifs des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus.
François Tassain
