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Publié le 22 - 12 - 2021

    Que peut-on attendre de la présidence française de l’UE ?

    Pour la 13e fois de son histoire, la France prendra, au 1er janvier 2022, la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Tour d’horizon des enjeux.

    Du 1er janvier au 30 juin 2022, la France succèdera à la Slovénie et assurera la présidence du Conseil de l’Union européenne (Présidence française de l’UE - PFUE). Un moment fort de la politique européenne de la France, qui devra à la fois piloter les négociations, dégager des compromis et des accords sur des dossiers législatifs en cours, et faire avancer des initiatives propres pour contribuer au futur de l’UE.

    Quatorze ans après la dernière présidence française (du 1er juillet au 31 décembre 2008), les enjeux liés à la recherche de compromis sur les dossiers en cours, dans un contexte politique mouvant à la suite de changements de gouvernement récents (notamment en Allemagne) et de la sortie des Britanniques de l’UE, rendent la tâche assez complexe. Qui plus est, la présidence française risque d’être largement perturbée par l’échéance électorale présidentielle (10 et 24 avril 2022). Même si l’État français sera bien présent, la représentation politique risque d’être réduite.

    Après des mois de discussions préparatoires, auxquelles la CFE-CGC a été associée avec les autres partenaires sociaux, il est temps de faire le point sur les enjeux de cette présidence française, entre liberté d’initiative et figures imposées.

    DES AMBITIONS AFFICHÉES… MAIS LIMITÉES À LA PREMIÈRE MOITIÉ DU SEMESTRE

    La PFUE commencera au 1er janvier 2022. Elle sera, dans son déroulé opérationnel, assez courte puisque les événements vont se concentrer sur les deux premiers mois et demi en raison de la campagne présidentielle. Communiquées courant décembre, les priorités seront présentées officiellement par le Président Macron devant le Parlement européen à Strasbourg, le 19 janvier.

    Sur la base des échanges et des réunions auxquelles la CFE-CGC a pu participer, on peut s’attendre à ce que l’accent et les efforts de la présidence française soient mis sur plusieurs dossiers regroupés autour de trois thèmes : Europe sociale, transition numérique et transition écologique. L’Europe sociale reste en haut des préoccupations de la France. La nécessité d’avancer dans ce domaine a été réaffirmée avec force par le Secrétaire d’État aux affaires européennes, Clément Beaune, ainsi que par la ministre du Travail, Élisabeth Borne.

    Parmi les sujets en cours, on peut citer le projet de directive sur les salaires minimaux, discuté en Conseil des ministres des affaires sociales le 9 décembre dernier. Les échanges doivent se poursuivre sur ce texte symbolique et important pour marquer l’ambition de l’Europe sur la convergence sociale et la lutte contre le dumping social. On sait que la France œuvrera pour qu’un texte de compromis ambitieux puisse aboutir sous sa présidence. Le parcours s’annonce toutefois difficile car l’opposition des États du Nord et de l’Europe de l’Est, couplée à celle de certaines organisations d’employeurs, est assez forte.

    Autre texte en discussion et dont l’état d’avancement est moins important que celui sur les salaires minimaux : le projet de directive sur la transparence salariale. Ici, les difficultés sont plutôt liées à la place qui sera donnée aux partenaires sociaux et à la négociation collective. Du côté français, l’objectif est de sécuriser le rôle des partenaires sociaux dans le dispositif et d’articuler intelligemment le texte avec l’index sur l’égalité professionnelle.

    D’autres sujets sont attendus et feront sans aucun doute parties des priorités de la PFUE, notamment la proposition de directive sur les travailleurs des plateformes, la proposition de directive sur le devoir de vigilance ou encore la directive sur les agents cancérigènes, actuellement discutée sous un format tripartite (Parlement, Conseil, Commission) et qui devrait aboutir sous la présidence française.

    SUIVI DU PLAN DE RELANCE EUROPÉEN ET DU PACTE VERT POUR L’EUROPE

    Au plan économique, la PFUE sera chargée de suivre la mise en œuvre du Plan de relance européen tout comme la concrétisation des nouvelles ressources telles que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévu pour 2023. S’agissant de la transition écologique, la France devra suivre la mise en place des différents éléments du Pacte vert pour l’Europe, dont la plupart des textes législatifs doivent être présentés d’ici l’été 2022. Cette ambition écologique sera certainement portée par la France dans le cadre des discussions en cours sur la réforme de la politique commerciale car l’objectif est d’exporter notre modèle social et écologique en dehors de l’Union européenne, en utilisant aussi le levier commercial pour imposer le niveau d’exigence européen à nos partenaires commerciaux.

    Au-delà de ces figures imposées, la France compte bien utiliser sa présidence de l’UE pour organiser une série d’évènements sur des sujets faisant partie de ses priorités. Plusieurs conférences seront ainsi programmées dont une sur la mobilité des apprentis afin de valoriser des parcours réussis et de démontrer que le dispositif peut contribuer à la bonne insertion professionnelle et devenir une pratique au niveau européen. Une autre conférence sera centrée sur les dispositifs d’insertion pour mettre en valeur les pratiques innovantes et pour que les politiques d’insertion répondent aux enjeux de la relance économique.

    Des colloques sont par ailleurs à prévoir sur la coordination des acteurs dans la lutte contre les fraudes pour mieux protéger les travailleurs détachés, avec la participation de l’Autorité européenne du travail. Autre thématique identifiée : l’amélioration de l’efficacité dans la prévention des cancers en lien avec le Plan européen de lutte contre le cancer. La défense européenne devrait également faire partie des grandes priorités portées par la France avec un colloque dédié qui devrait se tenir à Toulouse.

    La France a également annoncé sa volonté de proposer des sujets non législatifs, en particulier l’insertion professionnelle des jeunes. L’objectif serait de promouvoir le contrat d’engagement jeune tout en mettant l’accent sur la mobilité européenne des jeunes, en particulier des NEETS (jeunes de 15 à 29 ans ni en emploi, ni en études, ni en formation). Ceci s’inscrirait dans l’ambition de la Commission européenne qui a récemment lancé le dispositif ALMA (Aim, Learn, Master, Achieve - Orientation, Apprentissage, Maîtrise, Réussite) pour la mobilité des NEETS.

    Enfin, la France souhaite porter des conclusions du Conseil sur l’importance du dialogue social en matière de gestion de crise et d’accompagnement des grandes mutations (transition écologique et numérique).

    UN ALIGNEMENT DES PLANÈTES FAVORABLE ?

    La présidence française représente un passage obligé et important pour chaque État membre de l’UE. La France, forte de son statut de pays fondateur et profondément ancrée dans la construction européenne, est très attendue. L’exercice sera compliqué de par le contexte politique, mais tout n’est pas joué d’avance. Au-delà des acteurs politiques et du calendrier électoral français, le paysage à Bruxelles est assez « bleu, blanc, rouge » car la France assure également la présidence de BusinessEurope, de la Confédération européenne des syndicats (CES), de la Confédération européenne des cadres (CEC), d’Eurocadres et de SME United (anciennement UEAPME). Un alignement des planètes inédit et favorable au rayonnement de la puissance française.

    Sonia Arbaoui et Francesca Breuil